La police de Baltimore a été sévèrement critiquée mercredi par le ministère de la Justice pour avoir utilisé depuis plusieurs années des techniques de maintien de l'ordre illégales, dont la communauté noire a été particulièrement victime.
"Les comportements et pratiques habituelles que nous avons découverts résultent de défaillances systémiques perdurant de longue date au sein de la BPD", la police de Baltimore (Maryland, est), a déclaré Vaita Gupta, en charge de la division des droits civils au ministère de la Justice (DoJ).
Cette enquête a été lancée après la mort de Freddie Gray, un jeune Noir de 25 ans qui avait été placé dans un fourgon de police le 12 avril 2015 pour être emmené au poste.
Le jeune homme a subi, dans des circonstances qui n'ont jamais été clairement établies, une fracture des vertèbres cervicales lors du transport. Il a succombé à ses blessures le 19 avril.
Mais l'enquête du DoJ ne portait pas sur cette affaire directement.
En présentant à la presse un rapport de 164 pages élaboré en 14 mois, Mme Gupta a relevé que les habitudes de la police de cette ville portuaire avaient "profondément altéré la confiance mutuelle entre la BPD et la communauté qu'elle sert".
Les enquêteurs du ministère sont remontés jusqu'à 2010. Ils ont conclu qu'il est "raisonnable de penser" que les pratiques routinières des policiers de Baltimore "enfreignent la Constitution ou la législation fédérale".
Le ministère a mis en lumière des "interpellations, fouilles et arrestations anticonstitutionnelles".
Selon Mme Gupta, seulement 3,7% des plus de 300.000 interpellations de piétons survenues entre 2010 et mai 2015 ont entraîné un procès-verbal ou une arrestation.
"La plupart de ces interpellations et fouilles en ayant résulté n'avaient pas de justification au regard de la Constitution", a-t-elle relevé.
Surtout, le rapport dénonce "la mise en oeuvre de stratégies de maintien de l'ordre qui entraînent des disparités graves et injustifiées dans le taux d'interpellations, de fouilles et d'arrestations de Noirs".
Près de 44% des interpellations sont intervenues dans "deux petits quartiers à prédominance noire qui n'hébergent que 11% des habitants de la ville", a remarqué Mme Gupta, citant l'exemple d'un homme noir contrôlé trente fois en moins de quatre ans sans qu'aucun procès-verbal, ni arrestation ne s'ensuivent jamais.
Le rapport note également un "usage excessif de la force" et des "représailles envers les personnes exerçant (un mode) d'expression protégé par la Constitution".
De plus, les enquêteurs du ministère font part de leurs "inquiétudes" concernant la sécurité des personnes transportées et les "défaillances" dans les enquêtes sur les agressions sexuelles.
Toutes ces "défaillances" au sein de la BPD découlent, selon le rapport, d'une "déficience de politiques, de formation, de supervision et de recherche de responsabilités" ainsi que de "stratégies de maintien de l'ordre qui n'intègrent pas efficacement la communauté que la police (municipale) sert".
Le nouveau chef de la BPD Kevin Davis a relevé devant la presse que ce rapport était un "acte d'accusation" contre "les mauvais comportements d'un relativement petit nombre de policiers à travers les années", mais pas contre l'ensemble de ses troupes.
Il aprécisé que des actions avaient été prises contre les policiers responsables des "actes les plus monstrueux".
A l'instar de la maire de la ville Stephanie Rawlings-Blake, il s'est engagé à faire de la police de Baltimore "un modèle" pour la nation.
Les auteurs du rapport ont souligné à ce sujet être "encouragés" d'avoir constaté une "vaste reconnaissance" de ces problèmes et un "vif intérêt pour réformer".
Cette "réforme durable" devra permettre de "rétablir la confiance dans la BPD, relève le rapport.
Le DoJ et la ville ont conclu un accord de principe sur les réformes qui seront menées sous la supervision d'un tribunal par jugement exécutoire.
Mme Rawlings-Blake a estimé le coût des mesures recommandées entre 5 et 10 millions de dollars par an. Selon elle, 26 règles ont déjà été amendées comme l'utilisation de la force et une "refonte" de la responsabilisation et des sanctions des policiers est en cours.
La ville modernise également ses équipements avec des dispositifs de sécurité, dont des caméras, dans les fourgons, et des caméras individuelles pour tous les policiers d'ici deux ans.
Après les émeutes de Ferguson à l'été 2014, l'affaire Freddie Gray est devenue pour beaucoup le symbole des violences policières envers la communauté noire et a entraîné de violentes émeutes à Baltimore nécessitant l'instauration d'un couvre-feu.
Le procureur de Baltimore a annoncé fin juillet l'abandon des poursuites contre les six policiers -- dont trois Noirs -- impliqués dans cet homicide.
10 août 2016
Source : AFP