L'Allemagne a fait un pas vendredi vers une interdiction partielle de la burqa en plein débat sur l'intégration des musulmans dans le pays depuis des attaques jihadistes en juillet et avant d'importantes échéances électorales.
Le débat sur le voile intégral en Allemagne intervient aussi en pleine controverse en France sur l'interdiction dans certaines communes du burkini, maillot de bain couvrant corps et cheveux des femmes à la manière d'une combinaison de plongée.
Le ministre allemand de l'Intérieur Thomas de Maizière a insisté lors d'une conférence de presse sur le fait que limiter le port de la burqa et du niqab n'était "pas une question de sécurité mais une question d'intégration" alors que son pays a accueilli en 2015 plus d'un million de migrants, majoritairement des musulmans venus de Syrie, d'Irak ou d'Afghanistan.
Le ministre, jugeant que "la burqa n'est pas compatible avec notre pays ouvert sur le monde", a prôné son interdiction "au volant, lors de procédures administratives, au service de l'état civil, dans les écoles et les universités, dans le service public, devant les tribunaux".
Mais il n'a donné aucun calendrier de mise en oeuvre car si l'idée est soutenue dans les rangs conservateurs, elle n'a pas l'adhésion des sociaux-démocrates du SPD, alliés au sein du gouvernement à la CDU d'Angela Merkel et M. de Maizière.
D'ailleurs, M. de Maizière a présenté l'initiative dans le cadre d'une "déclaration de Berlin" de ministres de l'Intérieur conservateurs des Länder allemands traitant de la sécurité et l'intégration des migrants après les deux attaques en juillet revendiquées par le groupe Etat islamique et commises par des demandeurs d'asile.
Il a par ailleurs admis que le port du vol intégral "n'était pas un gros problème en Allemagne" mais que son interdiction partielle était "une mesure préventive".
Cette "Déclaration de Berlin" recoupe des mesures déjà présentées le 11 août par le ministre, comme la déchéance de nationalité pour les combattants jihadistes à l'étranger, l'expulsion accélérée de migrants coupables de crimes et la promesse de moyens humains et techniques supplémentaires pour la police et le renseignement.
Si le voile intégral a été interdit dans plusieurs pays européens et fait l'objet de réflexion dans de nombreux autres, du côté des opposants allemands à l'interdiction, on relève volontiers l'échec de la mesure en France.
"En France, la burqa est interdite depuis des années sans le moindre résultat. Le pays n'est pas plus sûr et les musulmans ne sont pas plus intégrés", relève sur son site l'hebdomadaire der Spiegel.
"Là pour encore interdire quelque chose de musulman, le maire de Cannes a interdit le burkini sur la plage. Celui qui se souvient de Louis de Funès et des +Gendarmes à Saint-Tropez+ sait qu'avant on ne pouvait pas se déshabiller sur les plages françaises, aujourd'hui c'est obligatoire", raille-t-il.
Bilkay Öney, qui travaille sur les questions d'intégration au SPD, a aussi critiqué le débat sur la burqa en relevant "que son interdiction (en France) n'a pas empêché des attentats" ni réglé la question de l'intégration.
"Nous devons faire en sorte que les musulmans, les migrants s'émancipent mais ça demande du temps", relève-t-elle dans le quotidien Die Welt.
Si l'intégration des migrants et la menace jihadiste sont au coeur du débat politique allemand depuis le début de la crise migratoire de 2015, ces thèmes ont pris une importance encore plus grande avant deux élections régionales (Mecklembourg-Poméranie occidentale et Berlin) en septembre et après les attaques de juillet.
Les populistes de droite de l'AfD, qui connaissent une popularité croissante en portant un discours anti-migrants et anti-islam, menacent aussi bien la CDU que le SPD à un an des législatives.
Face aux critiques, Mme Merkel, confrontée à une chute de popularité, a martelé mercredi que la menace "terroriste" n'avait rien à voir avec sa politique d'accueil des demandeurs d'asile.
"Le phénomène du terrorisme islamiste de l'EI n'est pas un phénomène qui est arrivé chez nous avec les réfugiés, c'est quelque chose qu'on avait déjà", a-t-elle déclaré lors d'un meeting électoral.
19 août 2016
Source : AFP