vendredi 22 novembre 2024 21:00

Coincés en France, des migrants mineurs isolés abandonnent leur rêve anglais

À 16 ans, pour échapper au service militaire, Mohammed a fui l'Érythrée pour rejoindre l'Angleterre. Comme lui, plusieurs centaines de mineurs ont quitté leur pays, seuls, dans l'espoir d'une vie meilleure au Royaume-Uni, mais se retrouvent coincés en France où certains finissent par renoncer.

Quand Mohammed raconte son voyage, il se souvient de ses trois semaines de marche entre l'Érythrée et la Libye, de sa traversée "dans un petit bateau gonflable avec 36 personnes" jusqu'à l'Italie, du goût du sel des vagues qui éclaboussaient son embarcation, puis de son arrivée à Calais, dans la nord de la France, en 2015.

C'est là, face aux côtes anglaises, qu'affluent des milliers de migrants dans l'espoir de trouver un moyen de passage vers le Royaume-Uni, qui leur ferme ses portes. Le bidonville où ils s'entassent, surnommé "la Jungle" abrite actuellement plus de 7.000 personnes, un nombre jamais atteint auparavant.
"Je ne m'attendais pas à ça. Je ne m'imaginais pas que les gens pouvaient dormir au sol ici", affirme le jeune homme, sweat à capuche et baskets.

Tous les soirs, il tentait de grimper dans les camions avec les adultes, "j'ai réussi plusieurs fois, mais on finissait toujours par se faire virer par les policiers", raconte le jeune homme en français.

À Calais, ils seraient 676 mineurs non accompagnés à vivre dans la "Jungle", selon des associations.

Après trois mois à Calais, Mohammed a été abordé par des travailleurs sociaux, en tournée régulière pour proposer aux jeunes une mise à l'abri. Las de ses conditions de vie, il s'est résigné à demander l'asile en France et a atterri à "La maison du jeune réfugié" à Arras, à 100 km de Calais, gérée par l'association France terre d'asile et financée par le département, où il a rejoint 30 jeunes dans sa situation.
Non expulsables en raison de leur âge, ils apprennent le français et sont accompagnés pour être scolarisés, logés et régularisés.

En 2015, selon l'Office français pour les réfugiés et apatrides (Ofpra), sur les 15.133 mineurs qui ont demandé l'asile en France, 321 étaient mineurs isolés, soit une augmentation de 17,6% par rapport à 2014.
Les jeunes qui renoncent à l'Angleterre restent une minorité, affirme Pierre Henry, directeur de France terre d'asile: "En 2015, sur les 1.400 mineurs que l'association a accueillis, seulement 90 se sont stabilisés. La plupart veulent continuer leur route migratoire jusqu'en Angleterre", affirme-t-il.

Les structures d'accueil sont de toutes façons saturées.

Fin septembre, un centre pour mineurs étrangers non accompagnés de 72 places doit ouvrir dans la "Jungle", mais, "avec 676 mineurs isolés à Calais, ce n'est pas suffisant", déplore François Guennoc, vice-président de l'association L'Auberge des migrants.

Pour l'heure, dans le camp, les associations s'organisent pour prendre en charge ces mineurs : en juillet, Médecins sans Frontières a ouvert un centre pour les accompagner, notamment psychologiquement, et d'autres structures les accueillent la journée, à l'image du "Kids Restaurant".

Des associations comme le Citizens UK, accompagnent juridiquement les mineurs pour les aider à rejoindre légalement l'Angleterre. Depuis mars, 55 d'entre eux ont quitté Calais pour rejoindre des membres de leur famille en Grande-Bretagne dans le cadre du dispositif du regroupement familial, selon la préfecture du Pas-de-Calais.

L'annonce de l'État de créer un centre pour mineurs isolés est intervenue après la publication en juin d'une enquête alarmante de l'Unicef sur les mineurs étrangers seuls en France.

Cette étude décrivait un public vivant dans la précarité, l'angoisse, la solitude et le manque de protection des autorités. Dans ce rapport sont notamment évoquées les questions de la prostitution et du viol.

"Le premier problème, à court terme, est que ces mineurs peuvent tomber dans des trafics d'êtres humains, comme la prostitution et l'esclavage. Le deuxième problème, qui aura des conséquences sur le moyen et long terme, est qu'ils ne sont pas scolarisés", s'alarme M. Guennoc.

Majeur depuis le 2 août, Mohammed vient d'obtenir sa carte de résident qu'il brandit avec fierté. À la rentrée, il prendra son indépendance et finira sa formation d'électricien.

"Ma mère me manque, j'aimerais retourner en Érythrée, mais je me suis enfui pour échapper au service militaire, alors si j'y retourne, je risque d'aller en prison, pendant plusieurs années", affirme le jeune homme, les larmes aux yeux.

21 août 2016

Source : AFP

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