Le Collectif subsaharien résidant et travaillant à Madrid est appelé à relever le défi de la concurrence sur le marché du travail et vaincre une triple difficulté : la précarité, la vulnérabilité et l’exclusion sociale. Avec un taux de chômage de 16,3% de la population active d’Espagne (au 2e trimestre de 2016), il lui serait difficile de prétendre à un poste d’emploi adapté à son profil professionnel.
D’autant plus, les immigrés en situation irrégulière sont automatiquement exclus du marché du travail. Invisible au niveau de la participation sociale et dans les bilans de criminalité, la population subsaharienne est minoritaire en comparaison avec d’autres communautés étrangères telles la marocaine, la chinoise, la roumaine ou la latino-américaine. Existe-t-il d’autres issues pour esquiver la marginalisation au marché du travail ? Y a-t-il des créneaux d’emploi qui répondent à son esprit entrepreneurial ? Se confronte-t-il aux attitudes racistes et xénophobes dans la sphère publique ? Autant d’hypothèses que tout chercheur ou journaliste peut poser et vérifier par la suite sur le terrain. Pour le Subsaharien à Madrid, il existe mille manières de survie. Peut-être a-t-il la malchance de débarquer dans la capitale d’Espagne (3.174.945 habitants), une ville cosmopolite, au pouvoir d’achat per capita élevé et se distinguant par la rigidité de la politique migratoire. D’ailleurs, le gouvernement régional de la Communauté de Madrid et la majorité des municipalités (aux mains du Parti populaire – conservateur) ont réduit les budgets des services sociaux destinés aux étrangers. A cause de l’indice d’irrégularité qui caractérise la communauté d’étrangers, le collectif subsaharien est amené à inventer des moyens de survie tout s’appuyant sur la citoyenneté solidaire, les réseaux sociaux au sein de son groupe et la régularisation de sa situation.
La malédiction du chômage
Dans l’analyse de la radioscopie de la population étrangère dans la Communauté Autonome de Madrid (5.693.162 habitants), le collectif africain (sans les Marocains) représente seulement 3,99% des 862.085 étrangers inscrits aux registres municipaux au 1er janvier 2016. Cet indice puisé dans le rapport sur la population d’origine étrangère élaboré par l’Observatoire d’immigration, est le plus bas par rapport à ceux d’autres Collectifs tels le roumain (23,78%), le marocain (9,24%) ou le chinois (6,47%). La majorité se concentre dans Madrid-capitale. Par contre, les Subsahariens sont la grande victime de la crise économique avec le plus haut indice de chômage (59,09% du total de la population subsaharienne active), selon la dernière Enquête régionale d’immigration de 2014. Ces deux données sont révélatrices pour le fait de situer ce collectif dans sa réelle dimension en perspective de son intégration socio-professionnelle.
C’est la raison pour laquelle, la majorité des Subsahariens interviewés dans le cadre d’une enquête menée avec le soutien de l’Institut PANOS Afrique de l’Ouest - IPAO, affirment mener des activités pour leur propre compte, principalement le commerce. C’est une option audacieuse élue devant les difficultés d’accès à un emploi rémunéré par les entreprises et la forte concurrence avec les autochtones et d’autres collectifs d’étrangers. Bien qu’elles soient des activités exigeant davantage de sacrifices en nombre d’heures de travail et de capital, elles sont aussi sujettes au risque de perte de fonds investis en cas de faillite ou de réquisition de marchandise par les autorités. Le commerce demeure en fin de compte une niche qui offre une potentielle garantie de survie et une marge d’indépendance par rapport aux salariés en termes d’heures de travail. Pourtant, le risque est grand particulièrement pour les immigrés en instance de régulariser leur situation qui se sont spécialisés en le « Top Manta », la vente ambulante au métro, sur les grandes places, aux zones touristiques, foires et marchés aux puces.
Activité commerciale cataloguée comme illégale, elle a été héritée d’autres collectifs, tels le gitan, le chinois ou le marocain. Les sans-papiers subsahariens l’ont perfectionnée pour en faire à la fois un moyen de subsistance et une manifestation contre la précarité. La viabilité d’une activité mercantile non autorisée sur la voie publique divise désormais l’opinion publique à cause de l’incapacité des autorités de proposer une alternative qui puisse satisfaire les commerçants et les « Manteros » (vendeurs ambulants, ferrachas pour les Marocains ou bamba pour les Sénégalais). Pour les médias espagnols, le Subsaharien, en situation irrégulière, s’identifie avec « el mantero ».
Criminalisation du Top Manta
Top Manta désigne actuellement en Espagne une activité commerciale largement médiatisée qui nourrit les grands débats sur le phénomène de contrefaçon. Malheureusement, cette activité, qui est l’aspect le plus courant dans le commerce informel, est souvent associée au collectif subsaharien qui s’expose aux rafles policières, à des procès de justice, à des peines de prison ou à des rapatriements purs et simples.
Avec l’entrée en vigueur du nouveau Code pénal, le 1er juillet 2015, la commercialisation des articles de contrefaçon sont, selon l’article 153.3, passibles de peines de prison allant de six mois à deux ans. Une sentence pareille conduit au retrait de la carte de résidence et à l’expulsion, en vertu de la Loi sur les étrangers. La police est désormais habilitée à persécuter tout vendeur ambulant sans prendre en considération ni le type de marchandise à vendre ni la quantité qui est en sa possession, a expliqué le conseiller à l’intérieur au gouvernement régional de Catalogne. L’avocate Isabel Elbal rétorque en accusant les autorités locales de « recourir à la pénalisation du Top Manta pour entreprendre des rafles contre les vendeurs, et les harceler pour les faire disparaître des villes ». Grâce à la forte pression sociale, la vente ambulante est typifiée comme infraction et non comme délit pour pouvoir libérer le vendeur d’une peine de prison et de l’éventualité d’expulsion du territoire espagnol.
Le Top Manta n’est pas un phénomène nouveau ni exclusivement madrilène. C’est une occupation largement répandue dans les plages, marchés forains et stations de métro des grandes villes. Cette activité a rendu plus visibles certaines minorités, tel le collectif subsaharien, qui est en quête d’esquiver la marginalisation et la précarité dans l’espoir d’intégrer le marché du travail dans des conditions légales. C’est aussi une préoccupation des administrations publiques et acteurs politiques. Dans les municipalités aux mains des partis conservateurs et partis régionalistes, Top Manta constitue un prétexte idéal pour criminaliser les immigrés et les « Manteros ». L’Axe de migrations de Barcelona en commun met en garde contre ce climat d’opinion attisé par les conservateurs qui recourent dans leur discours à un mélange de préjugés et rumeurs pour stigmatiser les vendeurs ambulants. A cause du haut indice de chômage qui les affecte, certains migrants de l’Afrique subsaharienne ont élu le Top Manta comme moyen de survie pour vaincre la vulnérabilité. Malheureusement, une bonne partie de l’opinion publique s’est habituée à des discours qui incitent à la peur, à l’intolérance et au racisme.
Top Manta et droits humains
Les Manteros sont présents sur les places emblématiques de Madrid qui se convertissent dès la matinée en un kaléidoscope de races, couleurs, touristes et autochtones. Ces lieux de rencontre portent des noms emblématiques bien signalés dans les prospectus touristiques: Puerta del Sol, Plaza Callao, Plaza de España, Plaza Del Carmen, Gran Via, Plaza Mayor. Desservies par des lignes de métro, trains de banlieue et d’autobus, elles se situent au cœur de la ville, non loin du kilomètre « zéro », des sièges du gouvernement régional, de la municipalité et des grandes banques. C’est là où il est possible de rencontrer le plus important rassemblement de Subsahariens. Ils viennent du Sénégal, de Côte d’Ivoire, du Mali, du Burkina Faso, de Gambie mais aussi de Mauritanie et du Nigeria. Accueillant avec un grand sourire piétons et passagers de métro, ils offrent une panoplie d’articles « low cost » : « tee shirts », sacs à main, porte-monnaie, montres de toutes les marques, CD et DVD mais aussi des articles d’artisanat, toiles de peinture africaine, figurines, sculptures et fruits et costumes typiques. Ils font preuve d’une grande patience avec les clients qui excellent dans l’art du marchandage et négocient jusqu’à la moitié des prix d’articles de moins de deux euros. Mais Plaza Lavapiés demeure le point de référence des Subsahariens. Elle est à la fois un centre d’approvisionnement, de convivialité interafricaine et de marché de vente au détail. Elle a la réputation d’être le territoire du Top Manta où Asiatiques, Subsahariens et Maghrébins se côtoient en toute harmonie. Se situant entre deux stations de métro, elle est la place commerciale la plus dynamique de Madrid pour être un grand bazar à l’air libre. C’est aussi un conglomérat de succursales bancaires, marchands d’épices, d’établissements chinois ouverts à des horaires non-stop toute la semaine (alimentations, droguerie, repas rapides, boissons, fruits et légumes), cafés et restaurants asiatiques, grossistes prêt-à-porter, etc. C’est aussi là où s’activent les fameux gangs de pickpockets d’Europe de l’Est.
Il est surprenant de constater que des commerçants de Plaza Lavapiés, qui se plaignent généralement de la concurrence déloyale ou des préjudices causés par la contrefaçon, admettent que les Subsahariens sont des « individus sans problèmes ». « Ils ne sont ni agressifs ni fauteurs de troubles », confirme Lai, un commerçant chinois qui régente un supermarché. La même attitude est exprimée par Abdo, un vendeur pakistanais d’épices, de fruits et légumes, dont la grande clientèle se constitue de « Manteros africanos ». Pour Khan, le gérant d’un restaurant hindou, les Subsahariens « respectent son local et ne viennent jamais taquiner les clients en offrant leurs marchandises ». En général, « personne ne peut prétendre que le Top Manta cause de grands préjudices pour le commerce de proximité ni pour les boutiques de produits haute gamme », nous ont confié des activistes des droits de l’Homme du SOS Racismo de Madrid.
Les Manteros subsahariens « ne sont pas violents mais n’admettent pas que leur soit confisquée la marchandise ni être la cible des rafles », remarquent des voisins de Plaza Lavapiés. « La population normale adopte une attitude d’accueil favorable aux Subsahariens », soutient Antonio Diaz de Freijo, directeur de l’Association Karibu Amis du peuple africain. « Ce sont les autorités qui adoptent souvent des normes qui incitent à des attitudes de racisme et xénophobie », relève-t-il.
Le problème “réside en la mafia qui tire d’énormes bénéfices » de ce commerce informel, observe José Oneto, Prix National de Journalisme. Le porte-parole du syndicat de la Garde urbaine à Barcelone, Valentin Anton, qui défend les interventions de la police contre les vendeurs ambulants, se révolte contre « l’existence d’un véritable réseau spécialisé en la vente de produits falsifiés et à l’atteinte à la production intellectuelle». Il reconnaît qu’il «ne faut pas criminaliser le collectif des Manteros » tout en répudiant l’idée de «politiser cette question».
Survivre dans la dignité
Ils le disent et le répètent une dizaine de fois que «le Top Manta est l’unique option avec laquelle nous pouvons satisfaire nos dépenses bien que personne ne se réjouisse de courir tous les jours comme des chiens devant la police », note Laura Galup du Diario.es. Dans l’attente d’accéder à un travail rémunéré, le Mantero s’organise « en fonction de la fatigue accumulée le jour antérieur ou des classes d’espagnol auxquelles il assiste».
Désormais, les juges préfèrent prononcer des peines d’amende lorsque le bénéfice obtenu du Top Manta est inférieur à 400 euros. « Les peines d’amende sont très courantes et vont de 100 à 500 euros, des montants exorbitants pour le vendeur», nous a affirmé Samba, un Sénégalais qui a été plusieurs fois jugé et sanctionné. D’ailleurs, les gains sont très bas et souvent «je n’arrive à rien vendre toute la journée». Sans la solidarité groupale, «nous crevons tous à cause des charges, amendes et engagements familiaux», poursuit-il.
La vie du Mantero est dure. «Le plus fréquent est de se déplacer en groupe parce qu’il est plus pratique que quelqu’un se charge de prévenir ses collègues des rafles pour éviter la confiscation de la marchandise ». Samba vit seul mais la plupart de ses compatriotes se partagent les frais de loyer et de nourriture (une moyenne de 120 euros par mois et par personne).
Ce qui est évident est que les Subsahariens de Madrid ne sont pas tous « Manteros », un préjugé qui leur est abusivement collé. Des sources municipales avancent un chiffre de moins de deux cents sur une population africaine (recensée légalement à Madrid-capitale au 1er janvier dernier) de 34.075 personnes dont 2.058 Sénégalais, 1.475 Nigérians, 1.078 Maliens, 932 Equato-Guinéens et 5.188 autres de différentes nationalités. Leur nombre se rétrécit au rythme des offres d’emploi, des départs volontaires ou forcés et de la fluctuation du marché du travail. Abdoullay (Sénégal, 39 ans, dont 8 ans en Espagne, célibataire) boude carrément le Top Manta comme alternative. « Je risque de perdre mes options à des papiers en règle», soutient cet universitaire détenteur d’un master en électronique. En instance de régulariser sa situation, il s’est engagé dans une entreprise familiale de vente du prêt-à-porter aux marchés hebdomadaires. « C’est un poste de travail informel et sans aucune couverture sociale. Mon salaire est égal à 70% du salaire minimum interprofessionnel », confie-t-il. « Mais c’est mieux d’être persécuté par la police dans les allées du métro », ajoute-t-il. D’autres Subsahariens en chômage optent pour d’autres alternatives tel Issa (Mali, 42 ans, dont 11 en Espagne, célibataire). « Ma spécialité est la récupération d’articles à recycler et la vente de ferraille. Je ne suis pas prêt à perdre ma carte de résidence pour la vente ambulante illégale », dit-il. Abdoullay est pragmatique et préfère « passer inaperçu loin de l’œil vigilant de la police » dans l’attente d’obtenir la carte de résidence et le permis de travail. Il a une promesse d’embauche formulée par son patron. Mais l’espoir du retour au Sénégal est une option ferme. Le regret d’abandonner sa terre natale est aussi fort que sa déception d’une société d’accueil indifférente à son projet d’immigré.
Le Top Manta n’est qu’un aspect des inégalités que doit endurer le Subsaharien à Madrid. Des voix se sont élevées pour réclamer la solution de ce phénomène dans une approche globale en vue d’éradiquer la précarisation, d’abandonner le recours à la répression policière comme solution mais aussi de contribuer à décriminaliser dans les médias la communauté subsaharienne. Les vendeurs ambulants souffrent finalement d’une double exclusion, sociale et juridique. Ils optent pour cette activité illicite dans le seul but de survivre dans l’attente de sortir de l’ombre et mener une vie normale, comme tout citoyen.
* Correspondance particulière de Madrid avec le concours de l’Institut Panos Afrique de l’Ouest – IPAO)
Illégalité
Top Manta en Espagne signifie le commerce ou le poste ambulant où se vendent des copies illégales de disques, films, tee-shirts sportifs et de nombreux produits alors que le « Mantero », est celui qui dirige cette activité commerciale. Le significatif de ce substantif, par métonymie, est utilisé pour désigner aussi en Espagne la personne qui vend des produits illégaux telles les « mantas » (couvertures). Cette considération d’illégalité ne s’applique pas à d’autres pays. (Fondation Espagnol urgent - BBVA)
Des vendeurs ambulants
Les vendeurs ambulants ne sont pas organisés dans une structure hiérarchisée ni placés sous les commandes d’une quelconque mafia. Ils sont autonomes et s’organisent territorialement pour éviter la confiscation de leur marchandise et les sanctions. Ils s’approvisionnent directement des grands dépôts des grossistes chinois. Leurs articles sont de basse qualité et des imitations des grandes marques ou d’articles-souvenir qui séduisent une catégorie de touristes pour leur bas prix.
(Témoignage de l’Axe de Migrations de Barcelona en Commun)
Une absence de force de pression diplomatique
« Malheureusement, les ambassades des Etats subsahariens ne constituent pas une force de pression et chacune tente de résoudre séparément les problèmes de ses compatriotes. L’intérêt diminue ainsi pour les Subsahariens, des immigrés qui ne créent aucun problème pour les autorités espagnoles. Ils viennent de zones de guerre et de dictatures. Il serait injuste de leur exiger trois ans de séjour pour régulariser la situation des Subsahariens sans-papiers. Il est aussi absurde de les arrêter sur la voie publique pour la vente ambulante et sans commettre de délit ». (Antonio Díaz de Freijo, directeur de Karibu)
Les Manteros
« Les Manteros sont, en général, forts de leur enracinement social pour résider en Espagne depuis plusieurs années. Ils ont perdu leurs papiers à cause du chômage mais nous sommes en face d’un dilemme. Ils s’approvisionnent des grossistes chinois, reconnus légalement, mais ils sont criminalisés pour vendre leur marchandise sur la voie publique. C’est un débat faux et ouvert parce que la plupart des « Manteros » sont en situation régulière. Ils doivent assumer la violence des rafles policières, qui ont été récemment prohibées. La police régule le Top Manta en optant pour une « tolérance maitrisée » par le biais de la vérification systématique des documents d’identité des immigrés subsahariens. Il est aussi possible de parler des fois de répression et d’autres d’accalmie. C’est le jeu du chat et de la souris comme dans la série américaine Loi et Ordre. D’ailleurs, 80% des actes racistes et d’agressions dont sont victimes les Subsahariens ne sont pas dénoncés ». (Dana, Commission juridique du SOS Racismo de Madrid)
Accueil
« Bien qu’un patriote soit arrivé sans avoir de repère ni connaître personne en Espagne, nous l’accueillons parmi nous. La première chose, nous lui apprenons comment vendre avec le Top Manta parce que c’est l’unique manière de subsister si tu n’as pas de papiers en règle, confie Omar, titulaire d’une carte de résidence, qui continue de souffrir de la persécution policière à cause de sa peau noire ». (Laura Galup. Diario.es)
Le récit d’Abdoullay
« J’avais décidé d’abandonner le Sénégal à la fin de mes études en quête d’un emploi à l’étranger. D’abord, je me rendis au Gabon où j’avais travaillé dans le bâtiment avant d’être embauché par Schlumberger, une entreprise allemande de prospection pétrolière, comme technicien de maintenance électronique. Par la suite, j’ai pris un congé et obtenu un visa de tourisme pour venir en Espagne, via la France. J’ai eu l’idée d’émigrer parce que mon père fut aussi migrant. Après huit ans de séjour, je ne me sens pas à l’aise. A mon arrivée, ils m’avaient assuré (mes compatriotes) que j’allais régulariser rapidement ma situation de sans-papiers. L’idée que je me faisais de l’Europe était différente de ce que je vis actuellement. Je me sens perdu, sans avoir la certitude de régulariser un jour ma situation ou regagner mon pays. En somme, je dis aux jeunes Africains qui rêvent de venir vivre en Occident, qu’ils se préparent intellectuellement avant de s’embarquer dans une telle aventure. L’Europe est un continent qui est entièrement construit par ses peuples et sociétés et il n’y a plus de place pour le travail informel ni pour les analphabètes ».
Le récit de Samba
« Je suis venu en avion muni d’un contrat de travail mais à cause du chômage prolongé, j’ai opté pour le « Top Manta ». C’est un secteur qui ne correspond pas à ma formation universitaire et une activité à hauts risques. La police locale est constamment à mes talons, comme un cauchemar. Si elle me confisque la marchandise, tout l’investissement s’évaporera. J’ai écopé d’une dizaine de fois des peines d’amende de 180 euros chacune, qui est l’équivalent du bénéfice d’un mois. Comme je vis seul et que je travaille seul, je dois exposer ma marchandise au métro, être vigilant et prêt à courir. Souvent la police ferme les yeux pour nous offrir une trêve. Je redoute cette tolérance contrôlée. Je suis triste faute de perspective parce que j’arrive à peine à effectuer des petits virements mensuels à ma famille, restée à Dakar. Je ne puis en dire plus, si ce n'est que je me sens déraciné et mon rêve est de rentrer chez moi ». (Sénégalais, 30 ans dont 9 en Espagne en situation régulière, marié, père de deux enfants)
24 Août 2016, Mohamed Boundi
Source : Libération