vendredi 22 novembre 2024 21:00

France-Les tensions s'exacerbent autour du burkini

Les tensions autour du port du burkini sur les plages françaises se sont avivées mercredi avec les abus reprochés aux policiers de plusieurs villes qui ont pris des arrêtés contre ce costume de bain pour femmes musulmanes.

Elles surviennent à la veille de l'examen par le Conseil d'Etat, la plus haute juridiction administrative française, de la requête de la Ligue des droits de l'Homme (LDH) contre un arrêté anti-burkini pris à Villeneuve-Loubet (Alpes-Maritimes).

Après l'affaire d'une Toulousaine qui dit avoir été verbalisée à Cannes pour un simple voile, les photos publiées par le quotidien britannique The Daily Mail d'une femme invitée à retirer une tunique ont fait le tour du Web.

Dans le Figaro magazine à paraître vendredi, le président des Républicains, Nicolas Sarkozy, dénonce le port du burkini sur les plages, répétant que "la République a trop reculé".

"C'est un acte politique, militant, une provocation. Les femmes qui le portent testent la résistance de la République", estime l'ex-chef de l'Etat, qui a déclaré lundi dernier sa candidature à l'élection présidentielle de 2017.

Il propose "une loi qui interdise tout signe religieux ostensible" à l'école, à l'université, dans l'administration et dans les entreprises".

Mais pour David Thomson, reporter de RFI spécialisé dans le djihadisme, les photos de Nice "vont alimenter des années de propagande djihadiste".

"Les sympathisants djihadistes semblent eux-mêmes surpris que la police municipale de Nice fasse leur travail de propagande à leur place", dit-il sur France info. "Pour eux, c'est du pain béni. Le récit djihadiste martèle depuis des années qu'il serait impossible pour un musulman de vivre sa religion dignement en France."

Joint par Reuters, Abdallah Zekri, président de l'Observatoire national contre l'islamophobie, déplore une "stigmatisation qui ne fait qu'encourager les recruteurs de Daech" (l'Etat islamique, NDLR).

Une Toulousaine de 34 ans a déclaré mardi avoir été verbalisée le 16 août à Cannes, où le maire Les Républicains a signé fin juillet un arrêté proscrivant les vêtements religieux en bord de mer, et compte saisir la justice.

Jugeant que l'affaire a pris une "tournure préoccupante", le président du Conseil français du culte musulman (CFCM) a été reçu à sa demande mercredi après-midi par le ministre de l'Intérieur Bernard Cazeneuve. AUCUNE POLEMIQUE A CASSIS

Venu exprimer la "forte émotion des musulmans de France et au-delà", Anouar Kbibech a dit après l'entretien avoir été "rassuré" par le ministre, qui lui a affirmé que les principes de l'état de droit seraient respectés.

Rappelant que le Conseil d'Etat devait se prononcer, Bernard Cazeneuve a estimé que de tels arrêtés anti-burkini pouvaient être pris "en cas de trouble à l'ordre public", mais "dans un cadre où les mesures sont proportionnées".

"Les arrêtés pris ne doivent pas conduire à la stigmatisation ou à la division", a-t-il dit.

Le Premier ministre, Manuel Valls, a apporté la semaine dernière son soutien aux maires qui ont pris de telles mesures, car, a-t-il dit, les plages doivent être "préservées des revendications religieuses".

Mais le Parti socialiste voit dans l'affaire de Cannes "une dérive particulièrement dangereuse", qu'il s'agisse des conditions de l'intervention de la police ou "de l'attitude de la foule présente ce jour-là sur cette plage".

"On ne peut qu'exprimer une incompréhension sur les fondements même de cette verbalisation qui ne saurait être compatible avec les principes de notre droit", dit-il dans un communiqué.

Dans un communiqué distinct, le Jeunes socialistes font part de leur "colère" à la vue des images montrant cette fois la police municipale de Nice "encercler une femme portant le voile" et parlent de d'"humiliations publiques" mais aussi de "traque". "ON PARLE BEAUCOUP TROP DE TOUT ÇA" Pour Christian Estrosi, premier adjoint Les Républicains au maire de Nice, la police municipale a "parfaitement fait respecter l'arrêté en vigueur" dans sa ville.

Après le maire de Cannes, David Lisnard, d'autres villes balnéaires du Nord et du Sud-Est, dont le Touquet et la Ciotat, ont pris des arrêtés similaires.

A Cassis, une des trois villes des Bouches-du-Rhône à avoir pris un arrêté municipal interdisant le port du burkini, la décision de la maire (Les Républicains) Danielle Milon ne suscite ni polémique, ni même commentaires en l'absence de présence sur les plages de contrevenantes à la loi.

Aucun panneau ne signale l'existence de l'arrêté municipal. "On a été informé de cette possibilité mais cela ne change pas fondamentalement nos missions", dit un policier chargé de faire respecter le stationnement.
"On parle beaucoup trop de tout ça", lâche sur le bord de mer une femme aux cheveux cachés sous un foulard, les membres dissimulés par un pantalon de toile et un gilet de coton.

Sur le sable, elle enlèvera ses vêtements pour laisser apparaître un maillot une pièce de couleur noire et cachera aussi ses jambes sous un paréo sombre. "Le plus dur, c'est pour elle. Cela va vite devenir intenable avec la chaleur qui frôle les 40°C sur le sable", souligne Karine, une Lilloise de 30 ans qui juge "disproportionné" la prise d'un arrêté anti-burkini.

24/8/2016, Gérard Bon

Source : Reuters

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