Absents des rues mais omniprésents dans les esprits, les réfugiés sont au coeur de la campagne électorale à Wismar, cité allemande au bord de la Baltique, servant les ambitions de la droite populiste.
"Si l'on veut continuer à se sentir en Allemagne, il faut un signal d'arrêt !", lance Lars Löwe, candidat local de l'Alternative pour l'Allemagne (AfD, droite populiste), aux centaines de personnes massées sur le vieux port par un samedi radieux.
Autour de la foule, les voiliers se balancent doucement, des familles à la peau pâle se promènent au milieu des mouettes, et des docks se muent en appartements de vacances, signe de l'essor touristique de cette ville de 42.000 habitants.
L'arrivée d'environ un million de demandeurs d'asile dans le pays en 2015 n'a guère troublé la quiétude du Mecklembourg-Poméranie occidentale, Etat-région du nord de l'ex-RDA et fief de la chancelière conservatrice Angela Merkel, qui renouvellera dimanche son parlement régional.
Ce Land côtier et agricole, qui a perdu le cinquième de ses habitants depuis la Réunification, a hébergé 25.000 réfugiés l'an dernier mais l'immense majorité est repartie là "où il y a d'avantage de travail, de gens et de commerces", explique Frieder Weinhold, un candidat de la CDU, le parti de Merkel.
Ici chaque discours trahit une même obsession: celle de relancer la natalité et faire revenir des enfants dans ce cadre idyllique qui grisonne à vue d'oeil. Les têtes blondes se déclinent à l'infini, des affiches électorales des Verts à celles des néonazis du NPD.
Pourtant il n'y a guère que les bénévoles de l'association locale "Wismar pour tous", mobilisés pour l'accueil des réfugiés, pour marteler que le Land "a besoin d'immigration".
"Les gens ont l'impression que l'accueil (des migrants) a été maîtrisé ici, mais pas dans le reste du pays" alors que seuls quelque 4.000 réfugiés se sont installés dans la région, observe Gabriele Sauerbier, qui démarche sur le marché pour le parti de gauche radicale Die Linke. Et elle avoue son désarroi devant le poids de la question migratoire.
En ouvrant les frontières aux réfugiés bloqués en Hongrie, dans la nuit du 4 au 5 septembre 2015, "Mme Merkel a ressuscité l'AfD qui était donnée pour morte", relève avec amertume Jürgen Joost, secrétaire général de l'Alfa, parti issu de la scission à l'été 2015 de la droite populiste.
Après être entrée dans la moitié des 16 parlements régionaux du pays, l'AfD vise la tête des suffrages dans le Mecklembourg. Elle est donnée devant la CDU avec 23%, selon un sondage publié mercredi.
L'AfD ne menace pas seulement l'actuelle coalition CDU-SPD de devenir minoritaire dans la région, elle impose ses thèmes et "nationalise" une campagne jusqu'alors axée sur les enjeux locaux.
Face au sentiment que Mme Merkel "aurait pu se montrer un peu plus prudente", comme le concède la CDU locale, les partis établis ont le plus grand mal à vanter leur bilan flatteur - chômage réduit de moitié en dix ans, floraison de startups et d'éoliennes en bord de mer.
Die Linke insiste de son côté sur "la fracture Est-Ouest" sur les salaires ou les retraites, y voyant une explication possible du ressentiment des "Ossis" -- habitants de l'ex-RDA -- quand on dégage "de l'argent pour d'autres causes" comme l'accueil des réfugiés, suggère Horst Lutz, l'un de ses leaders.
Dans ce Land où les néonazis enregistrent leurs meilleurs scores, l'AfD fait aussi appel au sentiment régional et à l'hostilité envers les élites, clamant son souhait de "plus de démocratie directe".
Après la "Révolution pacifique" de 1989 et la chute du Mur de Berlin, "les gens ont l'impression que leur liberté est de nouveau rongée", soutient Leif-Erik Holm, chef de file régional de l'AfD.
"L'AfD, au moins, ils nous écoutent. Car ça ne va pas en Allemagne et il faut faire quelque chose", confie de son côté Hans Jürgen, l'un des rares sympathisants populistes à ne pas fuir les médias. A quelques mètres de lui flotte une large banderole "Presse mensongère" ("Lügenpresse").
1 sept 2016
Source : AFP