Le parti populiste Alternative für Deutschland (AfD), qui enchaîne les succès électoraux cette année, a connu depuis ses débuts en 2013 une profonde mutation, passant de la lutte contre l'euro à un discours anti-réfugiés.
Avec ses 21% dimanche lors des régionales en Mecklembourg-Poméranie occidentale (nord-est), l'AfD devient la deuxième force régionale, devant la CDU de la chancelière Angela Merkel, élue de la région. Après ses succès de mars dans trois autres Länder et notamment le score record de 24% en Saxe-Anhalt (est), l'AfD siègera désormais dans neuf des 16 parlements régionaux.
Si ses plus gros scores ont été enregistrées en ex-RDA communiste, moins prospère, l'AfD peut se targuer de bons résultats aussi à l'Ouest, comme ses 15% en mars dans le riche Bade-Wurtemberg.
Le parti a été fondé il y a trois ans par Bernd Lucke, un professeur d'économie de l'Université de Hambourg (nord) et a séduit les déçus des partis politiques établis dont la CDU.
Il surfait alors sur la vague de mécontentement liée à la crise de l'euro et, plus particulièrement, sur le sentiment assez répandu que les contribuables allemands n'en finissaient plus de payer pour autres membres de la zone euro, moins vertueux.
Si l'AfD échoue en 2013 à entrer au Bundestag (chambre basse), il parvient à envoyer sept élus au Parlement européen en mai 2014 et entre dans cinq assemblées régionales.
Mais l'AfD est tiraillé par la lutte interne opposant Bernd Lucke et Frauke Petry, incarnation d'une ligne plus nationale-conservatrice. Le congrès d'Essen, début juillet 2015, donne la victoire à Mme Petry, et le parti entame son virage marqué à droite qui va encore s'accentuer avec la décision de Mme Merkel en septembre 2015 d'ouvrir grand les portes du pays aux réfugiés.
Avec l'arrivée d'un million de demandeurs d'asile, Mme Petry, quadragénaire au verbe sec et aux formules choc, capitalise sur une ligne anti-islam et anti-migrants. Elle a par exemple créé la polémique en suggérant que la police fasse "au besoin" usage d'armes à feu pour empêcher les migrants d'entrer en Allemagne.
Le parti rejette néanmoins le qualificatif d'extrême-droite, se définissant comme conservateurs ou "libéraux de droite".
Le vice-chancelier, le social-démocrate Sigmar Gabriel, les compare lui aux nazis: "Tout ce qu'ils disent, je l'ai déjà entendu notamment de mon propre père, qui a été un nazi jusqu'à son dernier souffle".
Cette sortie avait pour cause une attaque, à quelques jours de l'Euro de foot, d'un haut responsable de l'AfD, Alexander Gauland, contre Jérôme Boateng, défenseur noir de l'équipe nationale. Selon lui, les Allemands "ne veulent pas l'avoir comme voisin".
La progression de l'AfD ne se dément cependant pas. Le principal sondage politique du pays, DeutschlandTrend, montre cet essor: 14% des intentions de vote en septembre 2016, contre 4% un an plus tôt.
A un an des législatives, les populistes peuvent espérer devenir la troisième force du pays, derrière la CDU et le SPD.
04/09/2016
Source : AFP