vendredi 22 novembre 2024 16:04

Les expulsions de migrants illégaux diminuent-elles ?

Pierre Henry, directeur général de France Terre d’Asile, souligne que depuis une dizaine d’années le nombre d’expulsions est stabilisé autour de 30 000 par an.

Les reconduites à la frontière ont diminué de 19,8 % sur les six premiers mois de l’année, a révélé Le Figaro le vendredi 2 septembre. Selon le quotidien, depuis janvier, « les expulsions de clandestins ont concerné 2 000 individus de moins que sur la même période l’an dernier ». Ces données sont issues d’un document de la Direction générale des étrangers en France, administration directement rattachée au ministère de l’Intérieur.

Le gouvernement n’a pas tardé à réagir, justifiant cette baisse par une forte hausse du nombre de personnes refoulées directement aux frontières. « Le tassement du nombre d’éloignements constatés au début de l’année 2016 traduit le fait que, depuis la décision du gouvernement de rétablir des contrôles aux frontières intérieures Schengen le 13 novembre 2015, une part plus importante de l’action de lutte contre l’immigration irrégulière s’effectue aux frontières », a réagi le ministère de l’Intérieur.

« Cette action permet de refuser l’entrée sur notre territoire à des personnes qui ne disposent pas du droit d’y séjourner », fait aussi valoir la place Beauvau. « La hausse du nombre de non-admissions est ainsi beaucoup plus significative que le tassement du nombre d’éloignements », affirme-t-il encore assurant que « la lutte contre l’immigration clandestine, bien loin d’être en recul, s’intensifie ».

Le nombre d’expulsions aurait baissé de 20 % ces six derniers mois. Certains parlent de « laisser-aller » du pouvoir. Qu’en pensez-vous ?

Pierre Henry : Cette polémique politicienne envenime le débat autour de cette question. On ne peut pas dire que la France a du mal à expulser. En réalité, lorsque l’on regarde les chiffres sur les dix dernières années, on constate que les variations sont totalement marginales d’une année sur l’autre. Le nombre d’expulsion tourne toujours autour de 30 000 par an.

Aujourd’hui, nous connaissons une situation sans précédent, extrêmement problématique. La plupart des réfugiés qui arrivent en ce moment sont originaires de la Libye, de la Syrie, de l’Érythrée, ou encore de la Somalie. Or on ne peut les renvoyer vers ces pays en guerre.

Comment toutefois expliquer les variations récentes ?

P.H. : Plusieurs facteurs peuvent être avancés pour expliquer ces variations qui, je le répète, restent marginales. Selon la nationalité, l’existence ou non de voies de communication avec les pays source, les expulsions sont plus ou moins réalisables. Certains pays d’origine n’acceptent pas de reconnaître l’expulsé comme un de leur ressortissant.

Les procédures doivent également être conformes au droit. Nous sommes notamment tenus de respecter la convention européenne des droits de l’homme. Un juge doit donc valider l’expulsion. La réalité des migrations est complexe. Une politique d’éloignement mérite d’agir au cas par cas.

Y a-t-il une différence d’approche sur la question des expulsions entre les gouvernements de droite et de gauche ?

P.H. : Non. Ce sont les textes européens qui encadrent véritablement les politiques d’éloignement. Au final, les différences entre les politiques de droite et de gauche sont limitées. Les changements sont d’abord affaire de posture et de discours.

L’année 2012 a connu un pic avec presque 36 822 expulsions. Mais il faut interpréter avec beaucoup de précaution les statistiques. Sous le gouvernement de Nicolas Sarkozy, elles intégraient l’éloignement des Roumains et des Bulgares vers leur pays d’origine. Or, ces derniers étaient des citoyens européens. Cette « politique d’éloignement des Roms » permettait en vérité d’alimenter les chiffres.

02/09/2016, Chloé Sartena

Source : LaCroix

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