A Berlin, les autorités sont parvenues à bouter la mouvance néo-nazie hors de leur bastion dans cette capitale multiculturelle et hipster, mais à la faveur de la crise migratoire elles font face désormais à l'ancrage des populistes de l'AfD.
La Ville aime citer l'exemple de Schöneweide, quartier industriel du sud-est de Berlin, ancien fief néo-nazi reconverti en quartier étudiant et artistique grâce à un programme associant pouvoir politique et société civile.
Jusqu'en 2011, les militants d'extrême droite se rassemblaient au bar "Zum Henker" ("Chez le Bourreau"). Aujourd'hui, le local abrite une pizzeria, "Anima e Cuore", gérée par Hanan al-Kassem et son père, Libanais d'origine. Les graffitis racistes ont disparu des murs sous une chaleureuse peinture blanche et rouge bordeaux.
Dans cette même Brückenstraße, surnommée encore récemment la "rue brune", Sebastian Schmidtke, chef de file berlinois des néo-nazis du NPD, a été contraint en 2014 de fermer sa boutique d'accessoires militaires. Y trône à la place un magasin de chichas.
Pour les chasser, un élément-clé a été l'introduction dans les contrats de location de la ville de clauses de résiliation en cas d'activité d'extrême droite. Par ailleurs, des "fêtes pour la démocratie et la tolérance" égayent régulièrement le quartier.
Résultat, "Schöneweide n'est aujourd'hui plus un fief de nazis", se félicite Oliver Fey, porte-parole du gouvernement berlinois.
"Nous avons éradiqué l'infrastructure - les bars, magasins - de l'extrême droite", résume Bianca Klose, directrice de l'ONG MBR, le "conseil ambulant contre l'extrême droite", financé par la capitale.
Mais s'il n'y plus de fief nazi, pour la mairie et les associations la bataille n'est pas gagnée. Plus présentables et portés par les inquiétudes nées de l'arrivée d'un million de migrants en Allemagne en 2015, les populistes de l'AfD (Alternative für Deutschland) peuvent espérer atteindre dimanche 15% pour leur première participation à l'élection du parlement berlinois.
Dans certaines administrations de quartier, ils pourraient même obtenir des postes à responsabilité.
Le maire social-démocrate Michael Müller, dont le parti est donné en tête mais avec un score historiquement bas (21-24%), a en conséquence tiré le signal d'alarme.
"Est-ce que ça nous est égal, une AfD à 10-14%? Non, ce serait vu dans le monde entier comme le signe du retour de l'extrême droite et des nazis", écrivait-il jeudi sur Facebook.
"Berlin n'est pas n'importe quelle ville car Berlin, capitale de Hitler et de l'Allemagne nazie, s'est développée en phare de liberté, de tolérance et de cohésion sociale".
Pour Bianca Klose aussi, les populistes sont devenus le "plus grand défi politique pour la culture démocratique à Berlin", l'AfD profitant "du fait que la population aux idées racistes prenne confiance, sorte de l'ombre et se montre".
L'AfD, soucieuse d'élargir sa base électorale dans une ville réputée libérale, se prend même à draguer le vote des homosexuels et des Germano-turcs en brandissant la menace islamiste venue avec les migrants.
Pour contrer cette ascension, les principaux partis, du centre-droit à l'extrême gauche, ont paraphé un "consensus de Berlin".
Ils y promettent de faire front "ensemble contre le populisme de droite et l'extrême droite", de combattre "leur propagande" pour sauvegarder une "ville ouverte avec sa diversité culturelle".
La mairie a aussi rallongé le budget du "programme régional de lutte contre l'extrême droite" de 2,5 millions d'euros en 2015 à 3,2 millions en 2016.
Grâce à ces moyens, la MBR a mené 113 opérations de sensibilisation notamment autour de foyers de demandeurs d'asile. Et Mme Klose se prépare à des mois de "travail intensif".
"Nous nous voyons clairement comme des précurseurs" de la lutte contre l'AfD, estime M. Fey.
Mais jusqu'à présent, cet activisme ne semble pas enrayer l'essor populiste. Même le NPD se prend à espérer un "bon résultat" dimanche.
Si des lieux symboliques ont été fermés, "les gens sont encore là, tout comme leurs idées", estime M. Schmidtke du NPD.
"Beaucoup s'enregistrent auprès de nous. Le nombre de nos militants augmente avec les manifestations contre (les demandeurs d') asile", assure-t-il.
16/09/2016
Source : AFP