Pour Alan, 13 ans, la fuite de Syrie s'est arrêtée en Bulgarie, dans un centre pour demandeurs d'asile, où il soigne sa jambe cassée. Mais ses compagnons valides ne sont pas allés plus loin: les polices bulgares et serbes les ont tous bloqués.
Sept mois après la fermeture du corridor humanitaire officieux qui a permis à des milliers de migrants de gagner l'Europe occidentale via les Balkans, franchir les frontières n'a jamais semblé aussi complexe.
La Hongrie applique depuis juillet des mesures drastiques de refoulement des clandestins vers la Serbie, avec laquelle elle partage 175 km de frontière équipés depuis un an d'une clôture barbelée. Cet été, pour ne pas devenir un cul-de-sac migratoire, la Serbie a renforcé à son tour les contrôles à sa frontière avec la Bulgarie, porte d'entrée dans l'Union européenne.
Sofia craint de devenir un "Etat tampon" où seraient indéfiniment bloqués les migrants, à l'image de la Grèce, selon la ministre de l'Intérieur Roumiana Batchvarova.
"Depuis juillet, plusieurs groupes de migrants de notre centre ont disparu, puis sont revenus, n'ayant pas pu traverser la frontière serbe", témoigne Ivan Penkov, directeur d'une structure ouverte d'hébergement à Vrajdebna, dans la banlieue de Sofia. Les 320 places du centre "se sont remplies en moins de dix jours", début août, explique-t-il.
Le Premier ministre bulgare Boïko Borissov compte sur l'UE, dont les 27 chefs d'Etat et de gouvernement, sans le Royaume-Uni, se réunissent vendredi à Bratislava, pour l'aider à rendre hermétique la frontière bulgaro-turque, par laquelle entrent les migrants, malgré une clotûre barbelée de plus de cent kilomètres.
Il a le soutien du président du Conseil européen, Donald Tusk, qui a estimé que le sommet "devra être un tournant décisif en termes de protection des frontières extérieures de l'Union".
Si le jeune Alan et les adultes avec lesquels il voyageait ont été stoppés par la police bulgare, Azhuan Arhwanssara, un Kurde irakien, a été refoulé par les gardes-frontières serbes.
Il s'était caché pendant un mois dans un ghetto rom de Sofia, "à vingt dans une chambre", avant de tenter sa chance vers l'ouest, à pied.
Il attend désormais au camp de Vrajdebna. "Nous ne sommes pas venus jusqu'ici pour renoncer", assure ce musicien de 22 ans, qui veut gagner "l'Angleterre ou le Canada".
D'autres tentent la périlleuse voie du nord: en début de semaine, le chavirement d'une barque sur le Danube qui marque la frontière entre la Bulgarie et la Roumanie a fait deux morts et quatre disparus, dont quatre enfants. Ils tentaient de contourner la Serbie, a estimé la police.
Sur le pont bulgaro-roumain de Roussé/Georgiu, la police trouve désormais des migrants cachés dans des véhicules, un phénomène nouveau, selon Dimitar Tchorbadjiev, chef de la police frontalière locale.
Moins d'un cinquième des 5.130 places des camps d'accueil bulgares étaient occupées fin mai. Ils sont aujourd'hui quasiment pleins.
"Avant, plus de 90% de ceux qui arrivaient en Bulgarie en repartaient. Maintenant ils n'ont plus nulle part où aller", affirme l'avocat Gueorgui Voïnov de l'ONG Comité d'Helsinki.
Ces chiffres sont encore modestes au regard des 60.000 migrants bloqués en Grèce ou des 128.397 personnes arrivée en Italie par la Méditerranée depuis le début de l'année.
Mais la tendance est prise très au sérieux par Sofia. M. Borissov s'est ainsi rendu fin août à Ankara, puis à Berlin, pour plaider la cause de l'exemption des visas pour les Turcs dans l'espace Schengen, posée comme condition par Ankara au maintien de l'accord migratoire UE-Turquie du 18 mars. "Les conséquences de son échec seraient catastrophiques", a-t-il prévenu, craignant la reprise du flux migratoire.
Le président de la Commission européenne Jean-Claude Juncker a annoncé mercredi le déploiement "dès le mois d'octobre" d'au moins 200 gardes-frontières et 50 véhicules supplémentaires aux frontières extérieures de la Bulgarie.
15/09/2016
Source : AFP