mercredi 3 juillet 2024 10:20

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Mur antimigrants à Calais : « Ces obstacles ne freinent pas la migration, ils la compliquent »

A Calais, Londres finance l’édification d’un mur végétalisé en béton haut de 4 mètres et long de 1 kilomètre pour sécuriser la RN16, la nationale qui mène au port et longe la « jungle », le bidonville où vivent 6 900 réfugiés selon la préfecture (plus de 9 000 selon des associations) désireux, dans leur grande majorité, de se rendre au Royaume-Uni.

Ce mur, d’un coût de 2,7 millions d’euros, doit être équipé de caméras de surveillance. Sa construction « constitue l’une des nombreuses mesures de sécurité qui ont été décidées et mises en œuvre sur et à l’approche des terminaux transmanche », a précisé la préfecture du Pas-de-Calais début septembre, affirmant qu’elle s’achèvera avant la fin de l’année.

Pour Olivier Clochard, géographe à Migrinter (CNRS, université de Poitiers) et membre du réseau Migreurop, observatoire des frontières, la construction de murs tels que celui de Calais ne freine nullement les migrations.

A quelle demande l’édification d’un mur à Calais répond-elle ?

Olivier Clochard : La construction de ce mur répond à une double demande. Celle des autorités britanniques d’un côté, qui ont aujourd’hui très bien externalisé leurs contrôles sur l’ensemble du littoral de la Manche et de la mer du Nord, notamment dans la région de Calais. Des chiffres montrent que ces derniers mois près de 80 000 migrants ont été arrêtés par des gardes-frontières britanniques sur le sol français, ce qui dénote d’une action très forte de la part du Royaume-Uni concernant la situation migratoire.

De l’autre côté, il y a aussi une demande politique. On veut faire croire qu’en construisant un mur on parviendra à arrêter l’arrivée de migrants sur le sol britannique. Or de multiples exemples, que ce soit au niveau de la Grèce ou du Maroc, ont montré que ces différents dispositifs ne freinent nullement l’arrivée des personnes mais conduisent à ce que les gens empruntent des parcours plus difficiles, parfois plus dangereux, entraînant un nombre de décès plus important.

Des ONG – le Secours catholique, Caritas… – s’opposent à cette barrière antimigrants, la maire LR de Calais, Natacha Bouchart, parle de « mur de la honte »…

On parle de 2,7 millions d’euros pour construire ce mur. Comme tous les financements, des dispositifs mis en place depuis plus de quinze ans, cet argent aurait pu être utilisé à d’autres fins : l’information auprès des populations migrantes, l’accueil, le soutien des organisations qui viennent en aide aux exilés… On est clairement dans un choix politique qui est celui de renforcer les contrôles migratoires.

L’Union européenne, si elle faisait le choix d’une autre politique, ne serait plus dans un processus de distanciation avec les valeurs qui l’ont fondée. Si le choix de l’accueil était fait, ça permettrait d’assurer un réel progrès social et économique et de ne pas promouvoir l’utilisation de moyens de guerre à l’encontre d’un phénomène qui est vieux comme le monde et qui est celui de la migration.

Ce mur un moyen de défense qui rejoint l’arsenal policier déjà mis en place[quelque 1 800 policiers sont affectés à la sécurité dans le Calaisis]. Le ministre de l’intérieur, Bernard Cazeneuve, avait demandé il y a un an et demi un rapport sur des solutions durables concernant la situation migratoire mais, en réalité, on voit essentiellement poindre un renforcement des contrôles. En dépit du nombre plus important de centres d’accueil sur le territoire, on se situe en deçà des mesures qui pourraient être mises en place.

En quoi les murs questionnent-ils la mondialisation ?

Au sein du réseau Migreurop, qui regroupe une cinquantaine d’ONG d’Europe et d’Afrique, on observe à travers l’édification de ces murs le phénomène d’une mondialisation contre une autre. On a vanté l’idée de faciliter la circulation des biens, la circulation financière. Mais le paradoxe est qu’on met tout en œuvre pour freiner la circulation des personnes. Alors qu’à l’échelle planétaire ça concerne seulement 3 % de la population mondiale [7,43 milliards d’habitants au 1er juillet, selon l’ONU]. En sachant, je le répète, que ces obstacles ne freinent nullement la migration, ils la compliquent mais ne l’arrêtent pas.

15.09.2016, Anne Guillard 

Source : Le Monde

Google+ Google+