A l’image de la météo de ce mois de septembre, capricieuse et imprévisible, l’Europe semble s’enliser dans la confusion. Malmenée par des crises économiques, sociales, sécuritaires et identitaires assez violentes, tiraillée entre les intérêts des petits et des grands, des fondateurs et des nouveaux arrivants, des riches et des moins riches, l’UE vit une ‘’situation critique’’ de son histoire, de l’aveu même des responsables européens.
Les quelques semaines de pause estivale n’ayant point apporté de répit, l’actuelle rentrée s’annonce, pour le moins, délicate. Alors que sur les bureaux des dirigeants européens, les dossiers s’amassent et se compliquent (Brexit, migration, crise économique, malaise social, sécurité…), l’idéal européen perd de son éclat.
Dans son discours-diagnostic sur l’état de l’Union, prononcé devant les députés au parlement européen mercredi dernier à Strasbourg, le président de la Commission européenne, Jean-Claude Juncker, a été on ne peut plus clair : ‘’Notre Union européenne traverse, du moins en partie, une crise existentielle’’.
Car, selon le diagnostic unanimement partagé, jamais il n’y a eu un terrain d'entente aussi réduit entre les États membres, un nombre aussi réduit de domaines dans lesquels ils acceptent de travailler ensemble. Jamais encore, il n’y a eu autant de dirigeants ne parler que de leurs problèmes nationaux, et ne citer l'Europe qu'en passant, pour autant qu'ils la citent. Jamais encore, il n’y a eu une telle fragmentation, et aussi peu de convergence dans l’UE.
Pour de nombreux observateurs, relever les nombreux défis qui se posent à l’UE nécessite d’abord de rapprocher deux visions de l’Europe qui se bousculent, au point d’entraver la bonne marche de l’Union : Celle défendue par le chef de l’Exécutif européen, qui estime que ce sont les institutions européennes communes qui sont chargées de penser au bien commun et de les proposer à l’approbation des Etats et de leurs représentants. Et celle de Donald Tusk, président du Conseil européen (qui regroupe les Etats membres), qui voit que ‘’les institutions doivent soutenir les priorités établies entre les Etats, et non imposer les leurs’’.
Le problème majeur qui se pose alors, c’est qu’entre ces deux approches bien différentes, la machine européenne a du mal à travailler en plein régime. D’autant plus que la conjoncture actuelle exige une vraie synergie dans l’action des Etats membres et des institutions européennes.
Toutefois, la semaine passée, lors du sommet européen tenu dans la capitale slovaque Bratislava, un ‘’déclic’’ semble avoir été déclenché. Ce que certains dirigeants qualifient de volonté de laisser de côté les différends institutionnels pour se consacrer à l’essentiel : redonner confiance au citoyen européen.
Les Vingt-sept ont ainsi accouché d’une ‘’feuille de route’’, assortie d’un calendrier et des priorités dominées par la protection des frontières extérieures, la lutte contre le terrorisme et la relance de la Défense européenne.
S’ils reconnaissent que l'UE n'est pas parfaite, ils estiment néanmoins que c'est le meilleur instrument dont l’Europe dispose pour relever les nouveaux défis auxquels elle est confrontée. Pas question de laisser le Brexit séduire d’autres Etats.
Premier défi : ils s’engagent à mieux communiquer les uns avec les autres – entre États membres, avec les institutions de l'UE, mais aussi et surtout avec les citoyens, à apporter plus de clarté aux décisions, à utiliser un langage clair et honnête et à se concentrer sur les attentes des citoyens.
‘’À Bratislava, nous nous sommes engagés à offrir à nos citoyens, au cours des prochains mois, une vision d'une UE attrayante, à même de susciter leur confiance et leur soutien. Nous sommes convaincus que nous avons la volonté et la capacité d'y parvenir’’, soulignent-ils dans la ‘’déclaration de Bratislava’’.
Entre autres décisions, ils disent ne plus jamais permettre que se reproduisent les flux incontrôlés de réfugiés de l'année dernière, tout en réduisant encore le nombre de migrants en situation irrégulière. Ils s’engagent aussi à prendre toutes les mesures nécessaires pour aider les États membres à assurer la sécurité intérieure et à lutter contre le terrorisme, à renforcer la coopération de l'UE en matière de sécurité extérieure et de défense, à construire un avenir économique prometteur pour tous, à préserver le mode de vie européen et à offrir de meilleures perspectives aux jeunes.
Bratislava doit être le début d'un processus. Les réunions formelles à venir du Conseil européen devront permettre d'assurer un suivi concret des différents chantiers.
Les chefs des 27 se réuniront informellement au début de 2017 à La Valette. Lors des célébrations en mars de l’année prochaine du 60è anniversaire des traités de Rome, les chefs d'État ou de gouvernement se retrouveront à Rome et, à cette occasion, ils clôtureront le processus lancé à Bratislava et fixeront des orientations pour l’avenir commun de l’Europe.
19/09/2016, Morad Khanchouli
Source : MAP