Rome n’a plus confiance en Bruxelles, que ce soit pour la solidarité dans l’accueil des migrants ou pour la mise en place du « Migration Compact ».
« Paroles, paroles, paroles... » C'est le refrain entonné par Matteo Renzi pour fustiger l'attitude de l'Europe sur le dossier de la crise migratoire. Il dénonce l'inertie, sur cette question, de l'Union européenne, qui n'a même pas pris la peine d'inscrire une ligne sur l'Afrique dans le communiqué final du sommet de Bratislava. « Nous avons attendu pendant des mois, j'ai entendu seulement des paroles. L'Italie est capable de se débrouiller seule, et elle fera tout son possible », a insisté le président du Conseil en marge du sommet de l'ONU sur l'immigration , à New York. « Que l'Europe reconnaisse qu'elle a échoué sur cette question et admette que les égoïsmes sont plus forts que la politique », avait-il déclaré au « Corriere della Sera ».
Celle de l'Italie sur la question se déploie dans deux directions. L'accueil, d'abord, qui sera repris en main par le Palazzo Chigi. Pas de cabine de régie pour ne pas froisser les susceptibilités, mais une coordination de l'action des sept ministères concernés par la question, dont ceux des Affaires étrangères, de la Défense, du Travail ou encore de l'Economie. « Nous sommes les champions du monde de l'accueil », répète le ministre de l'Intérieur, avec 130.561 migrants débarqués sur les côtes italiennes depuis le 1er janvier et 158.479 déjà là, auxquels s'ajoutent 16.000 mineurs non accompagnés. Prochainement, les structures d'accueil déjà surchargées hébergeront 200.000 personnes sur l'ensemble du territoire. Ou plutôt sur une partie seulement. Seules 10 % des communes accueillent des migrants, principalement en Lombardie, Piémont ou Sicile. Certaines municipalités, Milan en tête, demandent plus de solidarité au niveau national, conscientes que le plan de répartition européen est un échec total.
Tripler les investissements en Afrique
Rome s'impatiente également du manque d'engagement formel de la part de Bruxelles sur sa proposition « Migration Compact », ce plan d'aide au développement du continent africain. Matteo Renzi devrait inscrire un Africa Act dans le prochain budget. La Caisse des dépôts et le ministère des Affaires étrangères pourraient promouvoir un fonds initialement doté de 20 millions d'euros pour un effet de leviermobilisant à terme plusieurs dizaines de milliards d'euros et triplant les investissements italiens en Afrique. Ils ont déjà doublé l'an dernier et l'Italie occupe désormais la première place des investisseurs sur le continent, avec 7,4 milliards de dollars, devant les Etats-Unis, à 6,9 milliards de dollars. Ce ne sont pas seulement des paroles, comme le reproche Matteo Renzi à l'Union européenne, mais bien des actes.
20/09/2016/Olivier Tosseri
Source : lesechos.fr