"Les trafiquants d'êtres humains ne sont jamais au chômage." Zsolt Gulyas est officier de la police hongroise et ses services surveillent la frontière avec la Serbie, fermée par une barrière il y a juste un an.
A une dizaine de jours du référendum voulu par le Premier ministre Viktor Orban pour refuser les quotas obligatoires de migrants dans les pays membres de l'Union européenne, l'endroit est calme.
Les autorités hongroises autorisent l'entrée de 30 migrants par jour dans deux zones de transit où ces derniers peuvent déposer des demandes d'asile. Toute personne qui franchit illégalement la frontière est reconduite aux portes de la barrière si elle est prise dans un périmètre de huit kilomètres.
La Hongrie a coupé la route des Balkans, bloquant le flux de migrants qui transitaient par le pays avec l'espoir de gagner les pays d'Europe, plus au nord, notamment l'Allemagne.
Des capteurs de chaleurs ont été installés sur la barrière hérissée de lames d'acier coupant. Mais comme le fait remarquer Zsolt Gulyas, les passeurs ne manquent pas de travail, ni d'imagination pour tromper la surveillance des gardes. "Leurs drones à vision nocturne surveillent nos patrouilles", explique-t-il.
Viktor Orban entend sceller dans les urnes la décision d'imposer à son pays un repli sur soi face à l'arrivée de migrants principalement de confession musulmane, dont il estime que la culture, la religion et les traditions sont des menaces pour l'homogénéité de la société hongroise.
Le référendum du 2 octobre vise à rejeter le plan de la Commission européenne demandant à chaque Etat de l'UE d'accueillir obligatoirement sur son territoire un quota de réfugiés établi en fonction de divers critères.
Le refus opposé à Bruxelles par Orban a eu pour effet de renforcer l'assise de son parti, le Fidesz, avant les élections législatives prévues en 2018. Un récent sondage du cercle de réflexion Szazadveg, proche du pouvoir, montrait que 79% des Hongrois étaient favorables à l'édification de la barrière à la frontière sud du pays.
"Nous perdons nos valeurs et notre identité européenne comme on fait lentement bouillir des grenouilles dans de l'eau. Assez simplement, lentement, il y aura de plus en plus de musulmans et nous ne reconnaîtrons plus l'Europe", a affirmé Orban devant le parlement lundi. LA PARTICIPATION DOIT DÉPASSER 50%
Selon l'opposition et certains analystes, le Premier ministre se sert du thème de la crise migratoire pour masquer différents problèmes dans les secteurs de l'éducation ou de la santé mais également pour éviter d'aborder la question de la corruption.
"Le soutien au Fidesz s'accroît lorsque le débat porte sur l'immigration et il baisse lorsque l'on aborde d'autres sujets. Il est vital pour le Fidesz de maintenir la question de l'immigration au centre de débat", estime Csaba Toth, directeur du Republikon Institute, un centre de réflexion.
Le principal danger pour Orban est de se faire déborder sur sa droite par le parti nationaliste Jobbik. Ce dernier n'est pour l'instant crédité que de 10% des intentions de vote contre 28% pour le Fidesz mais la moindre inflexion du pouvoir sur la question migratoire pourrait modifier ce rapport de force en faveur des nationalistes.
Gabor Vona, chef de file de Jobbik, a appelé lui aussi à refuser les quotas de migrants mais il a plaidé pour une démission d'Orban si le taux de participation au référendum est inférieur à 50%, plancher exigé par la loi pour que la consultation soit valide.
Les socialistes ont appelé au boycott de ce scrutin qu'Orban rêve de transformer en plébiscite mais leur position manque de clarté sur cette question puisque le président du parti, Gyula Molnar, s'est prononcé contre les quotas européens.
La seule incertitude concerne donc le taux de participation car le résultat lui ne fait aucun doute : le rejet du plan de la Commission européenne est acquis.
"Nous savons que, même si cela n'est pas un référendum légalement valide, avec seulement 30 ou 40% de participation, ceux qui iront voter soutiennent le gouvernement", note Csaba Toth.
21/09/2016 , Marton Dunai et KrisztinaThan
Source : Reuters