La perspective d'un divorce sans compromis entre Londres et l'Union européenne, ou "Brexit dur" monte au Royaume-Uni, promettant des complications pour les milieux d'affaires mais aussi pour les citoyens ordinaires.
Le gouvernement conservateur de Theresa May mène depuis quelques semaines des consultations avec des chefs d'entreprise dans le but de préciser sa stratégie de négociation avec Bruxelles une fois déclenché l'article 50 du traité de Lisbonne qui organise la sortie du club.
Officiellement, Downing Street reste peu disert sur ses intentions et le ministre des Affaires étrangères Boris Johnson s'est fait sèchement recadrer par Mme May pour avoir dit que Londres commencerait à abattre ses cartes au début 2017. Et un porte-parole du 10, Downing Street a même qualifié lundi de "spéculation" la montée des craintes des europhiles.
Mais les banquiers et hommes d'affaires qui ont participé aux premières consultations en sont sortis avec la ferme impression que le camp des partisans d'une ligne sans concession vis-à-vis de Bruxelles avait le vent en poupe.
"La dynamique politique est clairement du côté du Brexit dur", dit à l'AFP Daniel Hodson, président du comité exécutif du Forum des négociations pour les services financiers, un lobby eurosceptique.
"Il pourrait y avoir des dommages collatéraux" à un départ abrupt, admet-il. Mais il juge que le puissant secteur financier britannique s'en sortira très bien si les politiques négocient des systèmes "d'équivalence" avec leurs homologues européens - c'est-à-dire une série d'accords bien ciblés pour remplacer l'intégration actuelle au marché unique.
"Le danger d'adopter une position dure, c'est que cela va accroître l'incertitude, réduire la confiance et pousser des entreprises à concrétiser leurs plans de sortie du Royaume-Uni", a pourtant prévenu John McFarlane, le président du lobby financier The CityUK, cité dans le Financial Times.
Le flou artistique régnant depuis le référendum du 23 juin irrite en effet de nombreux responsables qui craignent des conséquences fâcheuses pour la place financière de Londres, et au-delà pour la puissance économique du pays et pour ses habitants.
"La City fera le maximum pour réduire au minimum l'incertitude liée au Brexit, pour rassurer les milieux d'affaires et assurer que les investissements continueront dans notre pays", explique Mark Boleat, président du comité politique de la City of London Corporation.
Sur le papier, le départ britannique de l'UE ne signifie pas nécessairement que le Royaume-Uni va quitter le marché commun ni même l'union douanière.
Mais Bruxelles a averti plusieurs fois que la fin de la libre circulation des travailleurs européens, ardemment souhaitée par les partisans du "Brexit", interdirait tout maintien du pays dans cette architecture appréciée des milieux d'affaires.
Si le Royaume-Uni devait quitter l'union douanière, le pays devrait non seulement renégocier des dizaines d'accords commerciaux, mais aussi renforcer ses contrôles aux frontières vis-à-vis des pays de l'UE, que ce soit pour les personnes et pour les marchandises à l'import et à l'export.
Concrètement, cela signifie que Londres devra embaucher des milliers de douaniers, mais aussi repenser l'organisation de ses systèmes de contrôle dans les ports et les aéroports, ainsi que devant le tunnel sous la Manche.
Car relégués hors de l'UE, les Britanniques pourraient se voir imposer des visas chaque fois qu'ils traversent la Manche, pour partir en vacances ou en week end vers un pays de l'UE. Sans compter les files d'attente aux douanes à chaque sortie du pays visité, où ils auraient à rendre compte du moindre souvenir rapporté, soumis à taxes.
Quant au bon million d'immigrés britanniques en Europe, un Brexit dur réaliserait leurs pires cauchemars, bureaucratique et financier: les retraités se verraient coupés des systèmes de santé locaux, les professionnels devraient obtenir permis de séjour et de travail...
Sans compter les tracas pour les 3 millions de citoyens de l'UE vivant au Royaume-Uni, eux aussi soumis aux mêmes aléas, voire limités dans leur séjour.
Et quid des échanges d'étudiants? Comment imaginer l'Auberge espagnole, film à succès de Cédric Klapisch, sans son héroïne, la très anglaise Wendy ?
26/09/2016
Source : AFP