"Que nous arrive-t-il ?" Jamais Maja, Hongroise convertie à l'islam, n'aurait imaginé qu'un compatriote lui jetterait au visage de "retourner dans le désert". La campagne du gouvernement hongrois contre les réfugiés, avant un référendum dimanche, a tout changé.
Lorsqu'elle porte le voile, la jeune femme de 33 ans sent les regards réprobateurs, assure-t-elle à l'AFP. "Les gens ne peuvent pas m'appeler +migrante+ ou +terroriste+, alors ils m'appellent +Syrienne+, pour m'insulter", raconte cette habitante des environs de Budapest, qui dit également s'être fait agresser.
"Les Hongrois sont des gens accueillants. Je ne sais pas ce qui nous arrive", confie-t-elle désemparée, décrivant un climat d'intolérance.
La campagne gouvernementale pour le non au référendum sur les quotas de réfugiés adoptés par les Etats de l'UE a vu fleurir, dans tout le pays, des panneaux assimilant les migrants au terrorisme, à une menace culturelle.
La consultation initiée par le Premier ministre conservateur Viktor Orban se tient dimanche, mais bien son lancement, avant même l'afflux massif de migrants en Europe il y a un an, la thèse du péril migratoire s'est imposée en haut de l'agenda politique de l'exécutif, comme lors de l'envoi, au printemps 2015, d'un questionnaire interrogeant les électeurs sur le sort à réserver aux clandestins.
Ce climat a "empoisonné les âmes" avec l'aide des "médias proches du pouvoir qui mettent en exergue le moindre événement impliquant un musulman n'importe où en Europe", déplore Zoltan Bolek, représentant de la plus grande association musulmane de Hongrie.
Il assure que ses coreligionnaires reçoivent des menaces "quotidiennes", allant parfois jusqu'à l'agression, et il a récemment écrit à Viktor Orban pour lui demander de "protéger" les musulmans hongrois.
Ces derniers seraient environ 40.000 dans ce pays de 10 millions d'habitants, dont quelques milliers de convertis, estime Zoltan Sulok, président d'une autre association confessionnelle.
"Nous n'avions jamais été un sujet politique, mais maintenant si", soupire cet homme de 46 ans qui se dit "malade de cette rhétorique".
Basil Hararah lui ne se laisse pas impressionner. Cet ingénieur civil originaire de Gaza voit son avenir en Hongrie où il a obtenu l'asile récemment.
Employé cet été dans une usine de province, il assure n'y avoir "pas rencontré d'hostilité". "A la campagne, les gens sont sans façon; si on est gentil avec eux, ils le sont avec vous", assure-t-il.
Le trentenaire a intégré une formation sur mesure offerte aux réfugiés par l'Université d'Europe centrale (CUE), un établissement américain privé de Budapest financé par le milliardaire d'origine hongroise George Soros.
Pas de politique au programme pour la cinquantaine d'étudiants du programme OLIve (Open Learning initiative) mais des cours d'anglais, d'histoire, d'économie, d'informatique.
"Mon grand-père était un réfugié. Il a fui la Russie pour le Canada. Si je suis devant vous aujourd'hui, c'est parce qu'il a beaucoup travaillé pour grimper dans l'échelle sociale. A vous d'en faire autant", a récemment lancé aux nouveaux venus son recteur, Michael Ignatieff.
Dans la bulle de l'université, "tout le monde est prêt à nous aider", témoigne Philip, un iranien de 32 ans arrivé en Hongrie en mars 2015.
Mais dehors, les choses sont différentes. Sur son téléphone portable, il montre la photo d'une affichette dans une rue hongroise : "Refugees, go home". En Iran, il était persécuté car protestant, explique-t-il.
Sur 174.000 demandes en 2015, la Hongrie a accordé l'asile à quelque 500 personnes.
"La majorité de la population croit à la propagande hostile du gouvernement", estime Philip.
Avec parfois des partisans inattendus comme Maher Zaki, 43 ans: "Bien sûr qu'il y a une énorme propagande contre nous", reconnaît ce Syrien installé depuis 25 ans en Hongrie. Mais "si des gens veulent venir vivre ici en Hongrie, c'est normal qu'on veuille savoir qui ils sont", observe-t-il en reprenant les arguments de Viktor Orban.
Maher fut un bénévole actif de l'aide aux réfugiés, au pic de la crise de 2015 qui a vu des dizaines de milliers de demandeurs d'asile transiter par Budapest pour gagner l'Europe de l'Ouest. Il se souvient avoir été choqué par leurs conditions d'accueil misérables mais, tempère-t-il, "Orban a été le seul à protéger sa population, le seul en Europe à fermer les frontières. Maintenant, tout le monde fait comme lui".
30 sept 2016
Source : AFP