Enfin nous inversons la perspective, de l’immigration vers l’émigration. Certes longtemps les pays d’accueil se sont imposés à nous. En tant qu’historiens, nous avons étudié leurs lois, leur (in) hospitalité, leurs craintes, leurs bras ouverts aux travailleurs nécessaires, leurs politiques d’asile ou les barrières qu’ils érigent à leurs frontières. Depuis le XIXe siècle, les grands pays historiques d’immigration, les Etats-Unis, la France, l’Australie… n’en finissent pas de se poser des questions sur l’intégration de leurs « autres » et sur la construction de leur identité nationale. Mais on ne peut plus faire une histoire du seul point de vue de l’arrivée.
Les départs concernent à la fois les pays d’origine et les individus. Or si les économistes du développement s’interrogent depuis longtemps sur leur impact, les historiens n’ont commencé à s’y intéresser que récemment. Et pourtant l’humaniste Jean Bodin (1530-1596) avait bien exprimé le problème, dès le XVIe siècle : « Il n’est force ni richesse que d’hommes. » Que faire donc, quand ceux-ci veulent partir ? Panique chez les mercantilistes des XVIe et XVIIe siècles, pour qui la richesse d’une nation dépend de ses ressources.
Puis, dès le début des migrations transatlantiques de masse, au XIXe siècle, les grands pays d’émigration vont voir ces départs tantôt comme un soulagement, tantôt comme une trahison : soupape de sécurité salvatrice (et « bon débarras » les pauvres, mieux encore les révolutionnaires) ou bien source d’inquiétude quant...Suite