Boubacar Sangho est un simple immigré malien que le destin a poussé à trouver refuge au Maroc, après avoir fui en 2012 l'enfer de la guerre au village de Benkan, situé à 120 km à l'est de Tombouctou, portant les stigmates de la souffrance qu'il a endurée dans son pays natal.
Le jeune malien n'aurait jamais imaginé que les horreurs de la guerre et les périples de l'immigration clandestine déboucheraient un jour sur une résidence légale avec la perspective d'une vie meilleure, après un voyage dangereux dont il garde encore des souvenirs douloureux.
Le rêve européen...mais?
Boubacar n'a jamais envisagé de s'installer au Maroc, mais les circonstances ont en voulu autrement. Après avoir tenté en vain à de multiples reprises, durant deux mois, de s'infiltrer avec ses compagnons d'infortune au préside occupé de Melillia, il s'est enfin résigné à abandonner ce rêve qu'il a nourri depuis son enfance, en mettant le cap sur Fès, capitale spirituelle du Royaume à l'histoire séculaire. Dans cette ville millénaire, lieu de pèlerinage incontournable pour les adeptes de la "tarika tijania", Boubacar s'est senti naître un souffle nouveau au fond de lui, un souffle portant l'espoir d'un lendemain meilleur, en ne comptant que sur lui-même et sur ses capacités. Le jeune trentenaire s'est alors rendu compte que les rêves d'immigration vers les pays d'Europe occidentale ne se réalisent pas toujours et qu'ils peuvent être le début d'une souffrance plus grande encore. Aussi s'est-t-il empressé de chercher du travail dès son arrivée à Fès.
Malgré les difficultés qu'il a rencontrées au début, Boubacar a fini par trouver du travail dans un four traditionnel de la Médina, ce qui l'a aidé à surmonter en partie les difficultés de l'intégration.
En raison du maigre salaire qu'il percevait car il ne disposait pas de papiers de résidence, le jeune malien a commencé à travailler dans des chantiers de construction, un métier qu'il a pratiqué pendant deux ans, ce qui lui a permis de subvenir plus ou moins à ses besoins quotidiens. Constamment animé par le souci d'améliorer sa situation, Boubacar va élire domicile à Salé où il travaille, à ce jour, dans une station-service, ce qui lui permettra de louer une chambre dans une maison de la Médina.
"Honnêtement, tout au long de mon séjour au Maroc, les Marocains m'ont toujours aidé dans les moments difficiles", a dit le jeune malien dans un entretien à la MAP, ajoutant que "le peuple marocain est hospitalier et sympathique".
"Nous autres, qui affluons de pays subsahariens, avons subi de profonds traumatismes qui nous ont causés des dépressions. Nous ne pouvons certainement pas oublier la vue de cadavres, l'odeur du sang, nos maisons détruites ni nos bons souvenirs que la guerre du nord du Mali a emporté comme le vent", a confié Boubacar, indiquant que "le traitement qui nous a été réservé par nos frères marocains a allégé notre souffrance".
Le premier pas vers l'intégration
"J'ai passé une année à travailler dans cette station-service, sans papiers, avant que le propriétaire ne m'informe un jour que les autorités marocaines ont procédé au recensement des immigrés illégalement établis au Maroc afin de régulariser leur situation", a-t-il raconté, avouant qu'il n'avait pas accordé au début une grande importance à ce sujet, pensant qu'il s'agissait de simples rumeurs. "C'est mon collègue marocain au travail qui m'a encouragé à me rendre à la préfecture de Salé pour m'inscrire", a-t-il ajouté. Boubacar se remémore encore comment il a commencé à voir la lumière au bout du tunnel et comment les choses se sont accélérées avant qu'il n'obtienne enfin sa carte de séjour, ce précieux sésame qui lui permet de travailler et de voyager librement pour visiter sa famille notamment après la fin de la guerre au Mali.
Le sourire aux lèvres, Boubacar se souvient de la joie qui l'a submergée lorsqu'il a obtenu sa carte de séjour, et comment il marchait dans la rue sans avoir besoin de fuir le regard des autres. "J'ai désormais une existence légale, merci au Maroc", a dit le jeune malien.
"Ce fut un moment inoubliable dans ma vie", a ajouté Boubacar, fier de lui. "Les complexités administratives vont disparaître. Je peux désormais consulter un médecin, m'asseoir dans un café, aller à la plage, prendre l'avion et le train, me marier et faire des enfants", a-t-il poursuivi. Environ 23.000 immigrés ont vu leur situation régularisée Le cas de Boubacar est loin d'être unique. En effet, dans le cadre sa nouvelle stratégie nationale en matière d'immigration et d'asile, lancée en 2014, le Maroc a régularisé en l'espace de trois ans la situation de 23.000 immigrés issus de 112 pays, tandis que 680 immigrés ont obtenu la carte de réfugié.
Selon des données du ministère de l'Intérieur, il a été procédé à la régularisation de la situation administrative de 83% des immigrés ayant déposé des demandes à ce sujet.
Les Syriens arrivent en tête des étrangers régularisés avec 23%, suivis des ressortissants sénégalais (21%), de la République démocratique du Congo (RDC, 19%), alors que le reste des immigrés appartiennent à d'autres pays. S'agissant des 680 étrangers ayant obtenu la carte de réfugié, ils sont issus de la Côte d'Ivoire avec 43%, suivis des ressortissants de la RDC (14%), des Irakiens (13%) ainsi que d'autres nationalités. Le nombre d'immigrés subsahariens résidant illégalement au Maroc est estimé, selon la même source, entre 25 et 40 mille personnes, auxquelles s'ajoutent environ 2.500 Syriens qui ont fui le conflit dans leur pays d'origine et qui souhaitent atteindre l'Europe pour demander l'asile. Les résultats réalisés dans le cadre de cette opération de régularisation sont le fruit de l'approche participative ayant marqué les étapes de réalisation de cette entreprise exceptionnelle, sur la base d'une vision partagée entre les services de l'Etat, soit le ministère de l'Intérieur, le ministère chargé des Marocains résident à l'étranger et des affaires de la migration, la Délégation interministérielle aux droits de l'Homme, le Conseil national des droits humains (CNDH) et les acteurs associatifs. La nouvelle stratégie du Royaume dans le domaine de l'immigration et l'asile vise à accorder l'appui humanitaire et l'aide aux immigrés et aux demandeurs d'asile dont la situation a été régularisée, et à leur permettre de bénéficier de la formation et la formation professionnelle, de scolariser leurs enfants et d'accéder aux services de santé via le système RAMED.
30/09/2016, Jaouad Touiouel
Source : MAP