Si les migrations sont un phénomène mondial et essentiellement sud-sud, c’est en Méditerranée que se concentre les 3/4 des victimes.
« On a besoin de vous, besoin des mobilisations des ONG, des citoyens, sinon, on ne peut pas faire notre travail ! » La voix de Marie-Christine Vergiat claque vendredi après-midi à la Villa Méditerranée à Marseille. Un débat sur les migrations et la citoyenneté y est organisé par de nombreux partenaires permettant de réunir des chercheurs, des militants, des fonctionnaires mais aussi deux députés européennes : Marie-Christine Vergiat de la gauche unitaire européenne et Sylvie Guillaume, socialiste.
La parole est d’abord donné aux chercheurs, des sociologues, qui mettent un peu de distance sur ce sujet si brûlant. Comme Medhi Alioua de Sciences-po à Rabat qui rappelle que les migrations sont un phénomène mondial, essentiellement sud-sud, ancien y compris dans ses drames et qu’une des constante est « l’absence de politique européenne migratoire ». Mais surtout le sociologue plaide pour « une logique cosmopolite du droit des migrants ». Plaidoyer positif également chez le sociologue Vincent Geisser.
Il décortique les ressorts d’un retour avec fierté aux origines des enfants d’immigrés pour terminer par un rappel historique : « le mythe français d’après-guerre est aussi un mythe migratoire. Dans les maquis on entendait parler espagnol, italien, yiddish, arménien ou auvergnat ».
Dans l’assemblée, militant ou étudiant, politique ou universitaire, tout le monde semble acquis à l’apport que constitue les migrations. « Mais il ne faut pas considérer que ce sont des positions acquises partout, j’ai même tendance à considérer que l’on perd du terrain, que l’on se heurte à bien plus de non qu’à des peut-être » alerte l’euro-députée Sylvie Guillaume.
Dans la foulée, Marie-Christine Vergiat dénonce « le rôle du Conseil de l’Europe, donc des états membres, ce sont eux qui bloquent toutes les évolutions positives », états qui peuvent cependant parfois « lâcher » suite aux pressions de l’opinion publique suite à des drames ou des photos (le corps d’Aylan). Et la députée d’illustrer son propos en expliquant par exemple que dans l’agenda européen - proposé par la Commission européenne - il y a l’établissement de voies légales fortement demandées par les ONG.
L’hérésie de la Libye
Une Commission européenne dont le représentant à Marseille - Alain Dumort - décline par le menu son arbre généalogique lui donnant des racines dans toute la Méditerranée et qui rappelle que quand l’Europe a du faire face à 1,5 million de migrants c’est dans un espace de 500 millions d’individus au niveau de revenu plus que correct : « Cela n’aurait pas du être un big deal, mais c’est pourtant un vrai problème surtout si on est italien ou grec ». Il n’empêche que le « deal » proposé par la Commission concerne 160 000 réfugiés, effort pour le moins modeste. Et que la tentation de « déléguer » aux pays extérieurs est forte, avec la Turquie hier et peut-être la Libye demain.
Or, c’est précisément entre cette Libye et l’Italie que sombrent « 87 % des victimes » souligne Sophie Beau de SOS Méditerranée. « Les personnes que nous sauvons en mer nous disent fuir la Libye. Nous avons du mal à répéter ce qu’ils nous rapportent de la violence des camps libyens, nous racontent des traversées tant cela s’apparente à une véritable traite humaine » développe la jeune femme avant d’enfoncer le clou : « or, nous sommes face à l’hérésie d’essayer d’obtenir de la part du gouvernement actuel libyen en cours d’adoubement par la communauté internationale, ce que faisait avant lui Kadhafi, ce que l’on a obtenu de la Turquie : retenir les migrants ».
4 octobre 2016, Angélique Schaller
Source : lamarseillaise.fr