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Au nord du Mexique, le rêve américain en suspens de milliers d'Haïtiens (REPORTAGE)

Enceinte de six mois, Wilenda Nicolas prépare le couchage de la petite Damie au milieu d'une centaine d'autres migrants dans un refuge de la ville de Tijuana, à la frontière nord du Mexique.

Cette petite Haïtienne âgée de trois ans, estime-t-elle, Wilenda l'a recueillie dans une forêt du Nicaragua où elle était perdue. "Elle était en pleurs, nue. Personne ne s'arrêtait pour s'occuper d'elle. Alors je l'ai prise avec moi", raconte à l'AFP cette jeune femme de 23 ans.

Comme des milliers d'Haïtiens travaillant au Brésil, Wilenda a quitté ce pays au cours des derniers mois pour entrer aux Etats-Unis.

Un voyage périlleux de trois mois à travers huit pays qui coûte quelque 3.000 dollars à chaque migrant.
"J'ai pris des bus, le bateau, j'ai fait de l'auto-stop, j'ai marché pendant quinze jours dans la forêt, ça a été très très dur", raconte Wilenda.

Beaucoup de ces migrants ont travaillé à la construction des infrastructures des Jeux et du Mondial au Brésil. Mais aujourd'hui, la crise économique et politique frappe le géant brésilien et ils rêvent d'un avenir ailleurs.

Les Haïtiens - qui ont obtenu un statut de protection temporaire aux Etats-Unis après le tremblement de terre dévastateur de 2010, ainsi que des Congolais, également bénéficiaires de ce statut protégé, ont commencé à migrer du Brésil en milieu d'année, déclenchant une crise migratoire au nord du Mexique où les refuges sont débordés.

"Entre mai et octobre, nous sommes passés d'un afflux de 30 Haïtiens par semaine à 200 par jour", indique Rodulfo Figueroa, responsable de l'Institut national de migrations à Tijuana.

Aujourd'hui, il y en aurait environ 4.000 en Basse-Californie, Etat frontalier des Etats-Unis, attendant de passer de l'autre côté. Ils doivent patienter plusieurs semaines pour pouvoir franchir la frontière, ils sont ensuite accueillis par les autorités américaines qui étudient leur dossier.

"Il se forme un goulot d'étranglement ici", explique Margarita Andonaegui, cofondatrice du refuge catholique Padre Chava qui loge 350 personnes et sert 1.300 repas. "La situation devient intenable", déplore-t-elle.
Les autorités mexicaines envisagent l'ouverture d'un centre pour réfugiés de 600 places pour soulager les associations civiles.

Devant ce flux migratoire, les Etats-Unis ont annoncé fin septembre la suspension en juillet 2017 du statut spécial attribué aux Haïtiens et reprendre les expulsions de ceux arrivés sans visa.

François Fedner, un Haïtien de 27 ans, parti avec sa femme en juillet du Brésil, s'inquiète : "Je veux espérer qu'Obama va nous accepter car nous avons trop souffert".

Dans un second refuge près de là, les tentes multicolores sont agglutinées dans la cour, du linge sèche au soleil. Certains jouent aux cartes tandis que d'autres improvisent une partie de football dans la rue.

De là, les migrants peuvent apercevoir le drapeau américain qui flotte au vent de l'autre côté de la frontière.
Des habitants de Tijuana s'arrêtent en voiture pour déposer de la nourriture ou des vêtements. Des groupes catholiques servent des repas dans la rue et entonnent des prières.

Depuis que Wilenda l'a recueillie, la petite fille ne quitte pas sa maman adoptive. "Je ne connais pas son nom. Je l'ai appelée Damie", raconte la jeune femme, qui ignore également son âge.

Arrivée au Brésil l'an dernier, Wilenda travaillait dans un abattoir pour 200 dollars par mois. Elle a décidé de partir vers le nord, en empruntant de l'argent à sa famille et rêve de devenir pédiatre.

Plantée sur le toit, la responsable du refuge Padre Chava égrène la liste des migrants qui pourront passer la frontière ce jour-là. Wilenda en fait partie.

Sac de sport sur l'épaule sous un soleil de plomb, elle s'engage avec Damie et une soixantaine d'autres migrants sur la passerelle séparant le Mexique des Etats-Unis.

"J'ai confiance, je crois en ma chance, Dieu est avec moi", dit-elle sans se départir de son large sourire.
Quelques jours plus tôt, un migrant qu'elle a croisé a reconnu la petite Damie. Wilenda a pu alors parler à ses parents, migrants comme elle, retenus par les autorités du Costa-Rica.

Elle a promis de leur rendre l'enfant lorsqu'ils seront tous aux Etats-Unis. Mais elle a oublié de leur demander son prénom.

10 oct 2016

Source : AFP

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