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Idée reçue sur les migrants: « Ils volent le travail des Français »

Les autorisations de travail pour les ressortissants étrangers sont délivrées en fonction de certains critères, comme le chômage dans le secteur d’activité et géographique concerné.

Cet article est un élément d’une série en six volets sur les idées reçues concernant les migrants, que vous pouvezretrouver tout au long de la semaine. Retrouvez le premier, le deuxième et le troisième volet en cliquant sur ces liens.

L’histoire économique française s’est écrite en partie grâce à l’arrivée de flux d’immigrés, pendant les Trente Glorieuses. Mais, depuis plusieurs années, le droit concernant les travailleurs immigrés s’est durci et complexifié. Au point qu’il devient difficile d’affirmer aujourd’hui qu’un immigré puisse « voler » le travail des Français.

Certains métiers fermés aux étrangers

Pour commencer, certains métiers sont par principe fermés aux étrangers (hors Union européenne) : ces derniers ne peuvent, par exemple, accéder à la fonction publique qu’en tant qu’agents contractuels ou vacataires, jamais en tant que titulaires (exception faite des postes d’enseignants-chercheurs). Il en va de même avec certaines professions « réglementées » qui nécessitent diplômes, certificats ou titres ad hoc ; dans certains cas, une reprise complète des études est nécessaire.

Des autorisations différentes

Ensuite, tous les étrangers ne sont pas égaux devant la loi. Européens bien sûr, mais aussi Suisses, ressortissant de Monaco, d’Andorre ou de Saint-Marin sont ainsi dispensés d’autorisation de droit de travail en France.

Les Algériens disposant d’un certificat de résidence bénéficient aussi de cette exception, en vertu d’un accord spécifique... aujourd’hui de plus en plus contesté. Mais celui-ci constitue déjà un recul par rapport aux accords d’Evian de 1962, qui avaient octroyé aux Algériens la liberté de circulation entre l’Algérie et la France, à la suite de l’accession du pays à l’indépendance.

Toute autre nationalité doit justifier d’un document : carte bleue européenne (pour les travailleurs hautement qualifiés qui ont une rémunération annuelle d’au moins 53 331 euros brut), carte de séjour temporaire (par exemple les salariés détachés), permis de séjour temporaire (pour les conjoints), carte de résident (séjours de longue durée) ou autorisation provisoire de travail.

C’est ce dernier document qu’en l’attente de papiers un demandeur d’asile peut solliciter afin d’occuper légalement un emploi en France. Il doit toutefois patienter un an pour la demander. L’autorisation provisoire de séjour (APS) n’est donc pas suffisante pour pouvoir entrer sur le marché du travail.

Un mineur étranger confié à l’aide sociale à l’enfance entre ses 16 ans et ses 18 ans peut obtenir une carte de salarié ou de travailleur temporaire.

Des autorisations en fonction du chômage dans la zone géographique

L’autorisation provisoire de travail, qui doit être renouvelée au minimum tous les six mois, est délivrée par la préfecture sur certains critères : le demandeur d’asile doit disposer d’une promesse d’embauche ou d’un contrat de travail, et le préfet peut la refuser « si le niveau de chômage est trop important pour le métier dans le bassin d’emploi considéré ».

En d’autres termes, ils ne peuvent prétendre qu’à des emplois pour lesquels il existe un manque avéré de travailleurs : on en compte trente, répertoriés sur des listes régionales (chaque région dispose d’une liste de métiers), et certains métiers sont en outre listés pour certains pays avec lesquels la France a des accords. Par exemple, chef de cuisine pour le Bénin ou bûcheron pour l’île Maurice.

Le cas contradictoire des étrangers en situation irrégulière

La situation est plus compliquée encore pour un étranger en situation irrégulière à qui la loi interdit par principe d’avoir accès au travail sans document, titre ou carte lui octroyant un droit de résidence sur le sol français.

Mais le droit français n’est pas exempt de contradictions puisque, s’il interdit aux migrants de travailler en situation irrégulière (c’est une clause de rupture du contrat de travail), il leur permet aussi d’être régularisés après avoir travaillé.

C’est la « régularisation par le travail » : elle ouvre la possibilité d’une admission exceptionnelle au séjour d’un étranger en situation irrégulière. Il doit tout d’abord disposer d’un contrat de travail en bonne et due forme.

Le travailleur doit, en outre, justifier d’une ancienneté de séjour en France de cinq ans minimum, et de huit mois de travail sur les deux dernières années (ou de trente mois sur les cinq dernières années). L’étranger séjournant depuis trois ans en France peut aussi demander un titre s’il prouve avoir travaillé vingt-quatre mois, dont huit dans les douze derniers mois.

Les travailleurs saisonniers étrangers sans papiers, en raison du caractère non permanent de leur présence en France, sont exclus de ce dispositif de régularisation, quelles que soient leur ancienneté de séjour en France et leur ancienneté de travail.

La circulaire Valls (2012) ajoute des conditions supplémentaires : ne pas avoir commis de troubles à l’ordre public, ne pas être en situation de polygamie, avoir une bonne capacité d’insertion dans la société française (la maîtrise de la langue française peut être appréciée lors du dépôt de dossier).

Reste une question : quel employeur prendrait le risque pénal et fiscal (puisqu’il n’a pas payé de cotisations) de revendiquer que l’un de ses salariés travaillait au noir depuis plusieurs années ?

10.10.2016, Mathilde Damgé

Source : Le Monde

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