7 000 Syriens en fuite ont franchi de façon irrégulière les frontières entre le Maroc et l’Espagne pour rejoindre l’Europe. En 2015, les entrées irrégulières en Espagne via le royaume ont augmenté de 35 %.
Alors que beaucoup pensaient la route marocaine de l'Europe abandonnée par les migrants, elle connaît un regain d'intérêt ces dernières années, avec la crise syrienne. Ils ont été plus de 7 000 à franchir la frontière de Sebta et Mélilia en 2015, contre déjà plus de 3 300 l’année précédente. La fermeture des frontières à l’est de l’Europe pousse les réfugiés à chercher des alternatives.
Au total, le nombre d'entrée irrégulières en Espagne a crû de 35 % en 2015, selon les informations du ministère espagnol de l'Intérieur, contre 68 % en 2014. Sans la guerre en Syrie, le nombre de passages irréguliers en Espagne n’aurait augmenté que de 5,1 % l'an dernier. Avec un total de 16 937 passages en 2015, l'immigration irrégulière* vers l'Espagne retrouve actuellement les niveaux enregistrés avant la crise de 2006.
Location ou vente de passeports marocains
En 2013, Yabiladi avait rencontré une famille syrienne qui était passée par la Turquie, l’Egypte et l’Algérie avant d’arriver au Maroc dans l’espoir d’atteindre l’Europe. Une fois arrivés aux frontières des enclaves, les Syriens ne participent pas aux assauts habituels sur la barrière mais tentent de négocier leur passage puisqu’ils sont beaucoup moins reconnaissables que les Subsahariens. « Location ou vente de passeports marocains, bakchichs à des intermédiaires pour que la police marocaine ne bloque pas (pour atteindre le bureau du HCR placé à la frontière espagnole, ndlr) ; le passage de la frontière coûte très cher. Environ 1 000 euros par personne au mois de juin 2015 », raconte Elsa Tyszler, volontaire envoyée par le réseau Migreurop au Maroc pour enquêter sur place.
Celle-ci d'ajouter que, côté marocain, « le blocage des Syriens est également extrêmement rentable. En effet, la ville de Nador, proche de l’enclave, voit depuis plusieurs mois ses hôtels et restaurants remplis. […] Les Syriens sont devenus une source de business pour la zone transfrontalière ».
Un à trois mois pour relier Melilla au continent
L’arrivée des Syriens à Melilla a eu pour effet d’augmenter les transferts des migrants irréguliers vers le continent, par les autorités espagnoles. Alors que pendant longtemps, les migrants parvenus irrégulièrement pouvaient attendre des mois voire des années avant de rejoindre leur pays ou le continent européen, les Syriens ont provoqué une surpopulation dans les centres d’accueil temporaire des immigrants (CETI).
A Melilla, « si les transferts concernaient d’abord prioritairement les demandeur-se-s d’asile syrien-ne-s, les tensions provoquées par l’affichage des listes de personnes sortantes les veilles de départs, dépourvues de Subsaharien-ne-s, ont fait pencher la balance. Depuis quelques mois, toute personne, quelle que soit sa nationalité, sortirait du CETI de Melilla entre un et trois mois après son arrivée, et autour de 50 jours si elle est demandeuse d’asile », explique Esa Tysler
Si l'arrivée des Syriens au Maroc explique donc la majeure partie de l'augmentation de l'immigration irrégulière* vers l'Espagne ces deux dernières années, la tendance est cependant globalement à la hausse depuis 2010. A l'époque, l’Espagne ne comptait que 5 199 passages réussis : son plus bas niveau depuis le milieu des années 1990.
*l'immigration irrégulière étant entendue ici au sens strict comme le passage d'une frontière en dehors des règles administratives et légales car, en réalité, la majeure partie des personnes en situation administrative irrégulière sont arrivées avec un visa qui est ensuite périmé.
13/10/2016, Julie Chaudier
Source : Yabiladi