La chancelière allemande Angela Merkel boucle vendredi une semaine diplomatique largement consacrée à l'Afrique afin d'endiguer le flux vers l'Europe de candidats à l'asile fuyant un continent ravagé par les conflits et la pauvreté.
Conclusion de ce marathon diplomatique, Mme Merkel reçoit vendredi le président nigérian Muhammadu Buhari, après avoir accueilli mercredi le dirigeant tchadien Idriss Déby. La veille, elle avait achevé un tournée qui l'a conduite au Mali, au Niger et en Ethiopie, siège de l'Union Africaine.
Alors que l'Allemagne, première économie européenne, demeure la destination privilégiée pour les demandeurs d'asile en particulier de Syrie et d'Irak, la dirigeante plaide pour une aide accrue pour plusieurs pays africains.
L'objectif : endiguer le flux des migrants qui tentent de gagner l'Europe, fuyant misère et conflits. Depuis le début de l'année, plus de 300.000 ont ainsi traversé la Méditerranée, dont la plupart originaires d'Afrique sub-saharienne, selon le Haut-Commissariat de l'ONU pour les réfugiés (HCR).
L'enjeu est important pour la dirigeante : punie récemment par deux défaites électorales locales pour sa politique migratoire jugée trop généreuse, Angela Merkel a esquissé un mea culpa, estimant que l'Europe, Allemagne en tête, avait tardé à réaliser l'ampleur de la crise migratoire mondiale.
Pour tarir le flux migratoire depuis l'Afrique, elle milite pour des accords calqués sur celui conclu en mars entre l'UE et la Turquie : en échange d'une aide de trois milliards d'euros, Ankara a verrouillé les départs de migrants vers la Grèce.
Un accord similaire "doit être conclu avant tout avec l'Égypte, mais aussi avec d'autres pays africains", avait dit Mme Merkel en septembre.
Récemment, elle a encore insisté sur la nécessité d'un tel partenariat car le bien-être des pays africains est "dans l'intérêt des Allemands".
"Les (réfugiés) sont à notre porte" et l'Allemagne doit faire face au problème, a-t-elle ajouté, alors que son pays a accueilli en 2015 quelque 890.000 migrants.
La plupart sont venus de Syrie ou d'Afghanistan mais aussi d'Érythrée (13.000) ou du Nigeria (10.000), pays riche en pétrole mais aux prises, comme le Cameroun, le Niger et le Tchad, avec la rébellion jihadiste de Boko Haram.
Lors de sa tournée africaine, elle a mis en garde les candidats à l'asile contre les dangers qui les attendent: "le trafic d'êtres humains doit cesser, beaucoup trop de gens sont déjà morts en Méditerranée".
"Souvent, les jeunes en route vers l'Europe ont des idées totalement fausses sur l'Europe. Ils s'embarquent dans un voyage au péril de leur vie sans savoir ce qui les attend ou même s'ils pourront rester", a-t-elle encore déclaré.
Lors d'un sommet à Luxembourg, le ministre de l'Intérieur allemand, Thomas de Maizière, a lui plaidé jeudi pour que les migrants sauvés en Méditerranée soient "ramenées dans des installations d'hébergement sûres en Afrique du nord".
Pour la chancelière, le règlement de la crise migratoire passe avant tout par la stabilisation des pays d'origine, l'un des thèmes abordés lors du sommet UE-Afrique l'an passé à Malte.
Il est important que l'Afrique ne perde pas "ses esprits les plus brillants", indispensables au développement du continent, a-t-elle insisté lors de sa visite au Mali.
En 2017, l'Allemagne, qui va assurer la présidence du G20, va accueillir un sommet sur les investissements en Afrique, notamment dans les secteurs des transports et de l'énergie, a-t-elle dit.
Mais au Niger, principal pays de transit pour les migrants, Berlin a promis 10 millions d'euros d'aide militaire et 17 millions pour le développement, une enveloppe très modeste comparée au "Plan Marshall" réclamée à l'UE par le président Mahamadou Issoufou.
Dès lors, "le voyage de Merkel était avant tout un message envoyé aux opinions européenne et allemande pour dire +nous agissons activement pour réduire le flux+", analyse Annette Weber, de l'Institut allemand pour les affaires internationales et la sécurité.
Et Mme Merkel doit encore convaincre Bruxelles du bien fondé d'un pacte migratoire avec l'Afrique, ce qui est loin d'être gagné : selon l'hebdomadaire Der Spiegel, le commissaire à l'Élargissement, Johannes Hahn, a déjà exprimé ses réticences auprès de Berlin.
14 oct 2016
Source : AFP