Comment l’Union européenne peut-elle répondre efficacement à une crise migratoire sans précédent ? C’est la question à laquelle le colloque intitulé « L’Europe face aux défis de la crise migratoire » a tenté de répondre. Ce colloque a été organisé au Sénat à l’initiative du sénateur du Rhône et rapporteur de la mission d’information pour le suivi et le contrôle du dispositif exécutif exceptionnel d’accueil des réfugiés, le Républicain François-Noël Buffet.
Cette crise, qui a débuté il y a un peu plus de deux ans, est la conséquence directe de la multiplication des conflits, notamment en Syrie et en Libye, et de la misère dans laquelle se trouvent certains pays d’Afrique, touchés également par le réchauffement climatique. Environ un million de migrants seraient arrivés sur le continent européen en 2015
Une situation qui a montré les limites de l’Union européenne, dans sa manière de gérer les flux migratoires et qui la met à l’épreuve dans ses valeurs fondamentales. L’arrivée massive de migrants a entraîné un repli sur soi de la part de certains Etats membres, principalement de l’Est, et a favorisé les partis d’extrême-droite lors de plusieurs élections, comme récemment en Allemagne et en Autriche.
Durant ce colloque, qui réunissait des politiques, généraux, médecins et membres d’associations humanitaires, deux tables rondes étaient organisée : la première revenait sur la réaction de l’Union européenne face à la crise migratoire, la seconde sur les réponses et perspectives à apporter au défi migratoire en Europe.
La coopération, clé de voûte pour répondre au défi
Et pour les différents intervenants, le même constat : afin de mieux gérer la crise migratoire, une meilleure coopération juridique et politique entre les Etats européens doit se mettre en place. Pour Giovanni Salvi, Procureur général à Rome, cette coopération est un moyen de lutter plus efficacement contre les passeurs et secourir plus efficacement les migrants franchissant la Méditerranée pour atteindre les côtes italiennes. « Ce n’est pas seulement un problème italien, mais européen » insiste-t-il.
La France et l’Italie vont demander d’ici la semaine prochaine une modification de la convention de Palerme, pour améliorer la coopération judiciaire et policière au niveau international. Le renforcement du rôle de Frontex, devenu « Agence pour les garde-frontières et garde-côtes » depuis octobre dernier a été souligné, tout comme une coopération plus étroite avec Europol et Eurojust.
Il a été également question de multiplier les accords entre l’Union européenne et les pays d’origine des migrants, sur le modèle de l’accord signé avec la Turquie au printemps 2016. L’ambassadeur d’Espagne en France Ramón de Miguel Egea,a pris pour exemple la réussite des accords signés entre son pays et plusieurs pays africains lorsque l’Espagne connaissait la plus forte vague d’immigration sur son territoire entre 1996 et 2006. « Il est fondamental de répondre à la question de l’immigration de manière globale, notamment en traitant de manière étroite avec les pays d’origine et de transit. L’expérience espagnole, qui est un grand succès, prouve que cette approche est possible » a-t-il déclaré.
La coopération doit également se faire sur le plan humanitaire. Une aide au développement accrue doit être apportée aux pays africains, comme l’a souligné l’ancien ministre de l’Ecologie Jean-Louis Borloo, qui fondé Energies pour l’Afrique, et l’ambassadeur du Sénégal en France, qui appelle à regarder les causes de cette migration.
Ralf Gruenert, Représentant du Haut Commissariat aux réfugiés à Paris, appelle à une meilleure gestion des réfugiés sur l’ensemble du territoire européen et à faciliter leur rapatriement si possible, leur intégration et surtout leur réinsertion : « Le HCR a un objectif ambitieux, qui est de réinsérer 10% de la population réfugiée » explique-t-il au micro de Public Sénat.
« Aujourd’hui, nous avons les moyens d’agir »
Pour l’ambassadeur de Hongrie en France Georges Karolyi, ce colloque a permis de dégager un consensus sur les mesures à privilégier. Mais encore faut-il les appliquer. « La politique du gouvernement hongrois me semble marquée par le bon sens en prenant le problème à la source et non à l’arrivée », explique-t-il au micro de Public Sénat. « Il faut notamment élargir l’accord entre l’Union européenne et la Turquie, qui est un bon accord, et l’élargir à d’autres pays pour dissuader les migrants de venir. Il faut donc régler le problème à la source ».
La Hongrie s’est montrée très critique envers le programme de répartition des migrants proposé par Bruxelles, et a décidé de sonder la population à ce sujet. Un référendum qui s’est finalement soldé par un échec, seul 44% des Hongrois se sont déplacés pour voter.
François-Noël Buffet, satisfait des échanges tenus lors de ce colloque, estime que l’Europe « subit » cette situation en raison d’une réaction trop tardive. « C’est un scénario au fil de l’eau qui s’est déroulé depuis des années. L’Europe n’a pas anticipé, elle est dans une situation de subir et non pas d’organiser. (…) Aujourd’hui nous avons tout pour agir : les constats, les analyses, les actions sur le terrain. C’est maintenant aux politiques de porter les choses, et il y a une volonté ». Et de citer Antoine de Saint-Exupéry : « Là où il y a une volonté, il y a un chemin ». Reste aux Etats membres et à la communauté internationale de bien vouloir le prendre.
17.10.2016
Source : .publicsenat.fr