«Migrations, réfugiés, exils», un thème tout droit sorti du débat public, c’était du jamais vu pour le colloque de rentrée du Collège de France qui s’est tenu la semaine dernière. «Une proposition de l’administrateur pour faire du Collège un lieu d’engagement en cette année électorale»,explique l’historien Patrick Boucheron, professeur au Collège.
Dans un débat dominé jusqu’ici par les polémistes et les idéologues, on pouvait se demander où étaient passés les intellectuels. Ils sont là, mais leur parole reste «inaudible» derrière le vacarme des discours irrationnels de ceux qui agitent les peurs. Au colloque, la crise migratoire est décryptée comme une crise des sociétés européennes. Les deux journées de conférences, avec des personnalités comme Pascal Brice, directeur de l’Ofpra, ou Leoluca Orlando, maire de Palerme, ont pris de la distance avec les polémiques : «Le Collège n’est pas un lieu de proclamation, c’est un lieu d’engagement dans le travail, pour construire du savoir»,rappelle Patrick Boucheron. En l’occurrence, monter un rempart contre«l’idée de la menace d’un afflux de réfugiés, qui ne cadre pas avec la réalité», en finir avec des images erronées qui font perdre le sens de l’hospitalité. Mobiliser les intelligences est déjà une étape, sans doute le seul moyen de réveiller les opinions publiques. «La responsabilité des intellectuels est de produire de la connaissance pour lutter contre les préjugés, estime l’historien. Le rôle historique du Collège est de mettre la science face à la société, sans arrogance, une science ouverte sur ses usages publics.» Au nom de ce principe, l’institution a parrainé, lors de ce colloque, le lancement d’un programme national d’accueil pour les scientifiques en danger destiné aux chercheurs et enseignants-chercheurs en exil.
19 octobre 2016 Elodie Boissard
Source : Libération