Ce n'est encore qu'une niche potentielle mais elle soulève déjà des critiques : la carte bancaire "islamique", dont UM Financial, modeste institution financière de Toronto, a annoncé, début avril, le lancement au Canada puis aux Etats-Unis, inquiète, y compris les musulmans modérés.
La carte iFreedom Mastercard, proposée à tous les Canadiens, musulmans ou non, a été déclarée "conforme aux lois islamiques" par des experts de cette communauté, affirme le président d'UM Financial, le Canadien Omar Kalair. La charia "autorise le commerce mais pas l'usure", rappelle-t-il. De ce fait, ses clients potentiels "laissent dormir leur argent dans les comptes courants des cinq grandes banques du pays" car ils renoncent à des cartes de crédit, des prêts immobiliers ou des investissements financiers, à cause des intérêts sur dépôts ou prêts interdits par leur religion.
Cette carte "islamique", qui devrait être lancée aux Etats-Unis d'ici la fin de l'année, selon M. Kalair, est une carte prépayée, avec un plafond de 6 000 dollars canadiens (4 500 euros), sans intérêt, ni frais mensuels ou de transaction. Elle coûte 50 dollars pour deux ans, avec des avantages, dont une ristourne de 1 % en argent sur les achats de plus de 100 dollars et des rabais sur les vols de la compagnie aérienne des Emirats arabes unis, Etihad Airways.
Depuis 2004, UM Financial offre déjà des prêts immobiliers conformes aux préceptes de l'islam : l'institution joue le rôle d'intermédiaire pour acquérir un bien immobilier qu'elle loue ou revend au client, en échange de paiements sans intérêt mais assez élevés pour en retirer profit.
La banque espère un gros succès avec sa carte. Selon l'agence de notation Moody's, le marché mondial de la finance interdisant l'usure vaudrait près de 700 milliards de dollars américains (726 milliards d'euros) et pourrait quintupler dans les années à venir. Au Canada, la moitié des 850 000 musulmans, d'après un sondage, souhaiterait bénéficier de cartes de crédit et de prêts islamiques. D'après les projections, les musulmans devraient représenter 1,5 million de personnes en 2017, soit 5 % de la population du pays.
La Société canadienne d'hypothèque et de logement a estimé, fin janvier, qu'il n'y avait pas de raison d'empêcher des institutions privées d'offrir ce type de produit bancaire qui respecte les normes nationales.
L'innovation n'est toutefois pas du goût de tout le monde. Le Congrès musulman du Canada, qui dit représenter les progressistes de la communauté, estime que de tels services financiers risquent de marginaliser les musulmans. Le fondateur du Congrès, Tarek Fatah, y voit même la marque d'un "front financier du mouvement islamiste""d'aller en enfer s'ils font affaire avec des non musulmans". qui abuse de la foi des plus vulnérables et les menace
Source : Le Monde.fr