mercredi 3 juillet 2024 08:24

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Précisions sur un rapport sur migrations et droits de l’Homme

Ayant été interpellée sur le vote de mon rapport au Parlement européen après une polémique entre Benoit Hamon et Alexis Corbières, je me suis dit que le mieux était que je réponde moi même aux interrogations et que j'en profite pour amener quelques précisions. Les voici

J’ai lu avec beaucoup de surprise la petite polémique entre Benoit Hamon et Alexis Corbières au sujet du vote de mon rapport sur « Les droits de l’Homme et la migration dans les pays tiers » adopté le 25 octobre dernier au Parlement européen. Je n’interviendrai pas dans la polémique, cela ne m’intéresse pas.

Mais je me sens concernée, bien malgré moi oserai-je dire, puisqu’elle a lieu sur un rapport que j’ai porté au Parlement européen sur un sujet qui me tient à cœur. Je tiens donc à apporter quelques précisions et à rectifier quelques erreurs.

Ce rapport est le fruit d’un travail de plus d’un an au sein du Parlement européen.

C’est un rapport de la sous-commission des droits de l’Homme (qui est une sous-commission de la commission des affaires étrangères) au sein de laquelle je suis coordinatrice de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique depuis 2009.

Ce n’est donc pas un rapport sur les politiques européennes migratoires mais sur la situation des migrations dans le monde.

Dans ce rapport, j’ai voulu remettre les pendules à l’heure sur la réalité des migrations internationales et sortir de l’ethnocentrisme ou plus exactement de l’européo-centrisme habituel.

D’entrée de jeu, ce rapport explique que les migrations sont un phénomène mondial et qu’elles se complexifient de plus en plus tant au regard des motivations qui y conduisent que par les mouvements de population qu’elles génèrent sachant que les mouvements actuels se font à 80% entre pays en développement.

244 millions de migrants internationaux à travers le monde, soit 3,3 % de la population mondiale parmi lesquels 60 millions d’Européens contre 2,9% en 1990, c’est finalement une évolution assez faible (plus ou moins 10 %) au regard de la globalisation générale et de la libre circulation de plus en plus sans entraves des capitaux, des services et des marchandises. Je précise qu’il s’agit de ce que l’on appelle les « stocks, c’est-à-dire- toutes celles et tous ceux qui ont quitté un pays pour aller vivre dans un autre y compris il y a de fort nombreuses années. Il ne s’agit donc pas des mouvements annuels assez difficiles à établir au niveau mondial.

Mais, et ce qui est le plus inquiétant, il y a 65,5 millions de déraciné-e-s, c’est-à-dire de personnes réfugiées et déplacées aujourd’hui dans le monde, une augmentation de 10% entre 2014 et 2015 et parmi eux, un nombre croissant de femmes et d’enfants.

Partant de ce constat, le rapport s’appuie sur les conventions internationales existantes[1]pour voir combien et comment les droits des migrants sont bafoués partout à travers le monde, il rappelle que tous les migrants ont des droits, quel que soit leur statut, et que les plus importantes violations des droits de l’Homme concernent les victimes de déplacements forcés quelles qu’en soient les causes alors que ce sont celles et ceux qui ont le plus droit à une protection internationale

Sont dénoncés tout particulièrement les violations des droits des femmes, des enfants, des LGBTI,…, la détention arbitraire des migrants (ne devant être limitée qu’aux cas de nécessité absolue), les mauvais traitements et actes de tortures, l’absence de toute législation sur les droits des migrants y compris le plus élémentaire d’entre eux qu’est le droit d’asile[2], …

Sont réaffirmés entre autres, les droits de quitter son pays et d’y revenir, de ne pas être refoulé dans un pays où migrants et réfugiés risquent mauvais traitements et tortures, le droit à l’examen individuel de toute demande d’asile y compris avant renvoi dans un pays dits sûr, le droit au regroupement familial et à l’éducation mais aussi à la santé et au travail dans des conditions dignes. Plusieurs paragraphes sont d’ailleurs consacrés aux questions du travail ce qui n’est pas très habituel.

Il rappelle, ce qui est une position constante du Parlement européen, que l’ouverture de voies légales et sures est le meilleur moyen de lutter contre le trafic et la traite d’êtres humains.

Il « insiste sur le fait que les programmes d’aides au développement ne devraient pas être utilisés aux fins de migrations et de gestion de frontières » et demande (ce qui est une première) une évaluation de tous les fonds de l’UE utilisés en matière de migration et notamment de l’accord UE/Turquie et des processus de Khartoum et de Rabat à un moment où le Conseil et les Etats-membres cherchent par tous les moyens à se passer du Parlement européen en ce domaines.

Il demande également «un allégement de la dette des pays les plus pauvres et « des processus de restructuration de la dette souveraine » en vue d’alléger le poids de la dette et d’éviter une dette insurmontable ».

Alors, oui, c’est un rapport du Parlement européen et beaucoup de formulations ne sont pas celles que j’aurai aimé y voir écrites et il y a même quelques paragraphes que j’aurais aimé ne pas voir inscrits dans ce rapport comme le soutien à Frontex (mais il est lié à celui d’EASO) mais la demande de la droite visant à renforcer les demandes de réadmission a été refusé en plénière du Parlement européen et je m’en félicite. S’ils avaient réussi leur coup, j’aurais d’ailleurs demandé à ce que mon nom soit enlevé du rapport comme j’en ai la possibilité car une telle demande est contraire aux droits de l’Homme et n’a rien à faire dans un tel rapport. Oui beaucoup de formules sont alambiquées et ce n’est qu’un rapport d’initiative qui n’a aucune force contraignante. Certains continueront de dire que cela ne sert à rien. Moi je pense que toutes les batailles méritent d’être menées et que si nous ne les menions pas avec mes ami-e-s de la GUE/NGL et d’autres, les choses seraient pires et en tout cas moins transparentes.

Ce rapport a été voté par une majorité de 339 voix pour, 333 voix contre et 25 abstentions ; la droite de l’hémicycle a tenté de le dénaturer jusqu’au bout le jugeant trop « progressiste »[3].

J’ai constaté les votes et j’avoue que je ne m’attendais pas à une majorité aussi courte même si j’avais été alertée à ce sujet et en avait informé mon groupe. Je regrette juste de ne pas avoir eu l’occasion de m’expliquer de ce rapport avec certains et d’avoir découvert leur abstention en regardant le détail des votes.

C’est la vie. Chacun fait comme il veut en son âme et conscience au sein de la GUE/NGL puisque nous sommes un groupe confédéral et n’avons pas de discipline de vote.

Pour en savoir plus et vous faire un jugement par vous-même, je vous invite à lire mon rapport[4] ou à visionner le débat[5]

1 NOV. 2016, MARIE CHRISTINE VERGIAT

Source : mediapart

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