vendredi 22 novembre 2024 03:37

Les interminables détentions de migrants en question en Amérique

Les milliers de migrants soumis à d'interminables rétentions administratives aux États-Unis devraient-ils pouvoir bénéficier d'une libération sous caution? La Cour suprême a examiné mercredi cette question qui prend un relief particulier après l'élection de Donald Trump.

Ce débat juridique a été alimenté par un recours collectif lancé par un Mexicain, Alejandro Rodriguez, et d'autres étrangers soutenus par l'Aclu, la grande organisation de défense des droits en Amérique.
Arrivé en bas âge aux Etats-Unis, M. Rodriguez bénéficiait d'un permis de séjour et travaillait comme assistant dentaire. Ayant été condamné une fois pour avoir roulé dans une voiture volée, puis interpellé pour détention de stupéfiants, les autorités ont alors cherché à l'expulser.

Il a passé trois ans derrière les barreaux avant d'enfin pouvoir faire valoir son droit à rester dans le pays.
Comme lui, des millions d'étrangers séjournant légalement aux États-Unis sont menacés, s'ils commettent un délit mineur, d'être expulsés ou d'être détenus pendant des mois voire des années s'ils contestent cette expulsion.

L'autre catégorie de personnes dont il a été question mercredi à la Cour suprême sont les demandeurs d'asile qui affirment redouter des persécutions dans leur pays d'origine.

L'exemple d'Ahilan Nadarajah est parlant. Soumis à des tortures répétées car issu d'une minorité ethnique dans son pays d'origine, le Sri Lanka, cet homme a demandé l'asile en 2001 aux Etats-Unis.

Les autorités l'ont placé en détention, où il est demeuré quatre ans et cinq mois, ses demandes de mise en liberté étant rejetées les unes après les autres. Il a finalement obtenu la nationalité américaine.
"Ce dossier est important, car il s'agit de personnes qui s'opposent à leur expulsion et qui sont écrouées sans possibilité d'audience de libération conditionnelle. Beaucoup pourtant ont des arguments solides contre leur expulsion et ne présentent pas de danger de s'évanouir dans la nature", explique à l'AFP Judy Rabinovitz, une des membres de l'équipe juridique de l'Aclu.

Les huit juges de la plus haute instance judiciaire américaine sont apparus mercredi réceptifs aux arguments de l'Aclu, critiquant les durées démesurées de rétention infligées aux étrangers. En revanche, ils ont semblé plus dubitatifs sur l'instauration généralisée d'une audience d'éventuelle libération sous caution après six mois de détention.

Le représentant du gouvernement a défendu l'application de la loi en l'état.

"Le Congrès a prévu d'amples protections matérielles et procédurales pour les étrangers que l'Etat cherche à expulser et, parallèlement, a répondu aux réelles préoccupations sur le récidivisme et les risques de fuite en prévoyant des détentions obligatoires", a soutenu Ian Gershengorn.

"Il faut que quelqu'un examine la détention et décide si elle demeure raisonnable", a pour sa part plaidé Ahilan Arulanantham, l'avocat de l'Aclu.

Pour les personnes concernées, les détentions prolongées sont impossibles à distinguer d'une réclusion en centrale pénitentiaire: les étrangers sont contraints à porter une combinaison de prisonnier, ont les membres entravés au parloir et sont soumis aux fouilles et à la surveillance classique d'une prison. Ils peuvent enfin être placés à l'isolement.

Les visites de membres de la famille se limitent souvent à une conversation à travers une grille, ou avec un dispositif de vidéo conférence.

"J'ai une cliente (étrangère actuellement détenue) qui a reçu la visite de ses enfants et elle n'a même pas été autorisée à les toucher. Aucun contact possible", relate Mme Rabinovitz.

Ce débat prend une résonance particulière avec la prochaine arrivée au pouvoir de Donald Trump, qui a promis depuis son élection d'expulser des millions d'immigrés clandestins, fidèle à la ligne dure de sa campagne.

Malgré ses décrets d'intégration des clandestins, qui risquent de ne jamais être appliqués, le président Barack Obama restera lui comme un président qui a beaucoup plus expulsé que ses prédécesseurs, avec au moins 2,4 millions de personnes raccompagnées à la frontière ou renvoyées dans leur pays. Le rythme baisse toutefois depuis trois ans.

30/11/2016

Source : AFP

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