"Si on me renvoie des Etats-Unis, mon fils de 18 ans pourra-t-il s'occuper du plus petit ?", "Que faire si un agent de l'immigration frappe à ma porte au milieu de la nuit ? Ai-je le droit à un avocat qui parle espagnol ?"
Les questions fusent dans le centre communautaire La Colmena (La Ruche) de Staten Island, à New York, un mois après la victoire de Donald Trump qui a promis de renvoyer chez eux des millions d'immigrés clandestins. Quelque 40 d'entre eux, presque tous mexicains, sont venus cette semaine se préparer à un éventuel départ, à l'invitation des responsables du centre.
"Il nous reste deux mois pour nous organiser. Nous allons avoir un président qui ne sera pas notre ami. On ne veut pas faire peur, mais il faut se préparer au pire parce qu'on ne sait pas ce qui va se passer. Nous allons nous protéger et nous unir pour lutter", explique aux participants le directeur du centre, Gonzalo Mercado.
Les demandes de rendez-vous en vue d'une régularisation ont explosé au consulat mexicain de New York comme à la mairie. Quatre à cinq mois d'attente sont nécessaires pour en décrocher un.
Pendant la campagne, Donald Trump s'en est pris plus particulièrement aux Mexicains, qu'il a été jusqu'à traiter de violeurs ou de trafiquants de drogue. Il a promis de construire un mur avec le Mexique et de renvoyer les sans-papiers en commençant par ceux qui ont des casiers judiciaires.
Avec l'aide de César Vargas, jeune avocat lui aussi sans-papiers, La Colmena distribue aux immigrés présents un "plan d'urgence": huit pages qu'ils sont appelés à remplir et garder dans un lieu secret, à utiliser en cas d'arrestation.
Ce "plan" leur recommande de ne pas ouvrir aux agents de l'immigration sans mandat d'arrêt, de garder le silence, de vérifier qui demande l'interpellation et de ne rien signer sans parler à un avocat ou demander une libération sous caution.
Les immigrés sont aussi invités à rassembler une série d'informations personnelles: leur passeport et ceux des membres de leur famille, sécurité sociale, informations bancaires, prêts éventuels sur leur voiture ou leur logement... et pour les parents, une procuration de signature désignant un tuteur pour leurs enfants pour éviter qu'ils ne soient remis au gouvernement.
Jovita Mendoza, mère célibataire mexicaine de 40 ans installée depuis 17 ans aux Etats-Unis, fait partie de ceux qui sont venus se préparer.
Bien qu'elle paie des impôts sur ses deux salaires de femme de ménage et de cuisinière dans un restaurant, et qu'elle ait deux fils citoyens américains, elle n'a toujours pas de papiers.
"Quand ce monsieur a gagné, je me suis mise à pleurer en parlant avec mes fils. Je leur ai dit que si on me chassait d'ici, ils devraient étudier dur, qu'ils n'auraient pas besoin de s'inquiéter pour moi. Mais mon fils aîné, celui qui m'a donné du courage, m'a dit que s'il (Trump) mettait à exécution ses promesses, nous resterions ensemble".
Parmi les autres préparatifs de l'avocat César Vargas et de La Colmena: une liste d'avocats qui pourront représenter gratuitement les clandestins en cas d'urgence.
M. Vargas veut aussi mettre la pression sur le maire démocrate de New York, Bill de Blasio, qui s'est posé en défenseur de la diversité et des clandestins. Ces derniers représentent près d'un demi-million de personnes sur les 8,5 millions de new-yorkais.
"Pour l'instant le maire et le gouverneur (de l'Etat de New York) ont de belles paroles, avec en vue les élections de novembre 2017. Mais nous voulons qu'ils mettent leurs paroles en actions", souligne M. Vargas, lui-même arrivé aux Etats-Unis enfant, et qui a réussi à terminer ses études de droit et à travailler comme avocat sans avoir de papiers.
M. Vargas appelle aussi les clandestins à ne pas hésiter à dénoncer les incidents racistes, dans la rue, à l'école ou dans les magasins, en hausse depuis l'élection. Comme le cas de ce monsieur âgé qui poursuit à Staten Island, depuis sa camionnette, les immigrés en criant, "Les immigrés n'ont rien à faire ici" ou "Rentre dans ton pays!"
7 déc 2016
Source : AFP