mercredi 3 juillet 2024 10:18

picto infoCette revue de presse ne prétend pas à l'exhaustivité et ne reflète que des commentaires ou analyses parus dans la presse marocaine, internationale et autres publications, qui n'engagent en rien le CCME.

Eric Besson : Faciliter la libre circulation d'étudiants de filières d'excellence

Interview Avec Eric Besson, Ministre De L'immigration, De L'integration, De L'identite Nationale Et Du Developpement Solidaire

Le Matin : Votre visite au Maroc s'effectue dans le cadre de la conférence de Tanger qui constitue une première étape vers la création de l'Office méditerranéen de la Jeunesse, dont vous êtes l'initiateur. En quoi consiste cet Office ? Et quelle sera sa vocation ?
Eric Besson : Cet office porte une ambition forte : donner la priorité à la jeunesse tout en lui donnant accès à un espace méditerranéen de savoir et de compétences. L'Office aura pour mission de faciliter la libre circulation d'étudiants de filières d'excellence et d'intérêt méditerranéen, d'organiser l'accès de ces étudiants à des bourses méditerranéennes ainsi qu'à des stages, de leur offrir l'opportunité d'une première expérience professionnelle et enfin de mobiliser l'expertise de ces étudiants au profit du développement de leur pays d'origine. La participation de 18 pays riverains de la Méditerranée, ainsi que de la Commission européenne, à cette première conférence d'experts, et l'enthousiasme que le projet suscite dans les différents pays participants et au-delà, illustrent bien, il me semble, la pertinence de notre action.

Quelles ont été les recommandations des experts pour la mise en œuvre de cet Office, prévue d'ici le 1er janvier 2011 ?

Le travail vient de commencer à Tanger ! D'autres conférences d'experts suivront, d'abord au Monténégro, puis à Chypre, avec un même objectif : celui de la mise en œuvre de l'office méditerranéen de la jeunesse d'ici le 1er janvier 2011. Les experts réunis en aborderont tous les aspects, des plus pratiques au plus complexes, pour être au rendez-vous de cette belle ambition. Comme vous pouvez le constater, le calendrier est volontariste (un an), à l'image de la détermination politique des Etats participants au projet.

Ce projet pilote en faveur de la libre circulation des jeunes étudiants dans l'espace méditerranéen est une première sachant que la France et les Etats européens ont toujours été très réticents. Toutefois, cette mobilité ne porte que sur certaines filières d'excellence. Pourquoi et lesquelles ?

Comme vous le dites vous-même, il s'agit d'un projet pilote. Nous allons avancer pas à pas, en testant nos hypothèses et notre modèle. Pour commencer, nous faisons le pari de l'excellence, avec un ciblage précis : celui des filières d'intérêt méditerranéen, c'est-à-dire identifiées au Nord comme au Sud de la Méditerranée, pour leur capacité à construire les compétences de demain. Nous travaillons dans l'intérêt méditerranéen et nous donnons du sens à la mobilité des jeunes. Ceci n'est pour autant qu'une première étape. L'Office méditerranéen de la Jeunesse a vocation à porter d'autres projets, dans les domaines de la formation professionnelle et des échanges de jeunes par exemple. Pour l'heure, soyons pragmatiques et avançons.

Cet Office méditerranéen de la Jeunesse n'est-il pas au fond une nouvelle stratégie de politique migratoire qui irait dans le sens d'une immigration choisie, profitable aux pays du Nord, même si sa création s'inscrit dans le cadre de l'UMP ?

L'Office méditerranéen de la jeunesse vise précisément à bénéficier aux deux rives de la Méditerranée, sans discriminations. C'est un projet de promotion des mobilités circulaires qualifiantes dans l'ensemble du bassin méditerranéen, y compris entre les pays du Sud eux-mêmes. C'est parce que nous favoriserons la circulation des personnes que nous parviendrons à un développement économique pérenne au profit de toutes les populations de la Méditerranée.

Quels sont les autres pays qui sont concernés par ce projet ?

A ce stade, nous comptons parmi les Etats participants au projet la plupart des pays riverains de la Méditerranée, dont l'Albanie, l'Algérie, la Bosnie-Herzégovine, Chypre, la Croatie, l'Egypte, l'Espagne, la France, la Grèce, l'Italie, le Liban, Malte, le Maroc, le Monténégro, la Slovénie, la Tunisie ou la Turquie. Cette liste n'est pas définitive, elle a vocation à s'enrichir de tous les pays méditerranéens qui souhaiteront apporter une contribution positive au projet, y compris ceux de l'Union européenne, membres de l'Union pour la Méditerranée.

Quels ont été les fonds mobilisés pour ce projet ?

Ce projet nécessitera la mobilisation financière de tous. Les Etats bien sûr, les organisations internationales, mais aussi et surtout, les entreprises qui seront les premières à bénéficier à terme, au Nord et au Sud de la Méditerranée, d'une main d'œuvre qualifiée et expérimentée. Elles ont un intérêt manifeste à soutenir le projet et à en garantir le succès. Les premières entreprises approchées n'ont d'ailleurs pas caché leur enthousiasme : elles sont prêtes à s'engager aux côtés des Etats.

Dans le cadre spécifiquement bilatéral, vous avez signé avec Mohammed Ameur, ministre chargé de la Communauté marocaine résidant à l'étranger, une convention en faveur de la mise en œuvre d'un programme de création de PME–PMI au Maroc par des ressortissants marocains. Dans quelle mesure accompagnerez-vous ce second projet ?

Vous avez raison d'évoquer ce projet, il me parait essentiel, car je considère que les ressortissants marocains résidant en France peuvent être des acteurs importants du développement de leur pays d'origine, et qu'il faut tout faire, partout, pour inciter, aider et faciliter les démarches de création d'entreprises. Mon ministère s'investit pleinement dans le programme d'appui que vous évoquez, puisque nous verserons une subvention initiale d'un million d'euros sur trois ans, avec l'objectif d'aider au moins 1.000 créateurs d'entreprises. Nous consacrons également d'importants moyens au développement de modules de formation alternée d'aide à la création d'entreprise, pour permettre à des cadres marocains d'accompagner leurs compatriotes au Maroc dans leurs démarches entrepreneuriales. Près d'une trentaine de cadres ont à ce stade bénéficié du dispositif.

Vous soutenez également des Projets de développement solidaire dans l'Atlas marocain dans le cadre du programme CORIAM : («Co développement Rural Intégré dans l'Atlas Marocain»). Cela entre-t-il dans le cadre de ces nouveaux modes de coopération développés par la France et basés davantage sur le soutien d'actions de proximité.?

Les projets de développement solidaire, comme ceux conduits dans le Haut Atlas marocain, font en effet l'objet de conventions avec des opérateurs qui connaissent le terrain et qui ont fait la preuve de leur efficacité. En l'occurrence, l'association «Migrations & développement », qui porte le programme de co-développement rural, CORIAM, est présente dans la région de Taroudant depuis plus de 20 ans et est unanimement reconnue par les populations locales comme un acteur de référence. En outre, ces conventions prévoient des points intermédiaires réguliers d'évaluation qui garantissent l'exécution et l'impact des actions conduites.

Pensez-vous qu'à terme, on puisse concevoir et coordonner des politiques migratoires qui permettraient à chaque État d'exploiter son potentiel humain et économique tout en faisant de l'espace méditerranéen un levier de développement et de prospérité partagée ?

J'en suis d'autant plus convaincu que c'est précisément ce que nous nous employons à mettre en œuvre, au niveau de la France comme de nos partenaires européens, avec les accords de gestion concertée des flux migratoires, les accords de mobilité ou encore le projet d'Office Méditerranéen de la Jeunesse. Tous ces instruments visent à développer une approche mutuellement bénéfique aux populations des pays d'accueil comme des pays d'origine. Ma conviction est claire sur ce sujet: pour que les migrations puissent constituer un facteur de développement et de prospérité, dans l'espace méditerranéen comme ailleurs, il faut des politiques de gestion migratoire responsables et équilibrées issues d'un dialogue approfondi entre les Etats.

La Méditerranée est au cœur de toutes les grandes problématiques de ce début du siècle (développement, migration, environnement…). Aussi, diriez-vous comme Bernard Kouchner, que c'est au Sud de l'Europe que l'avenir se joue ?

Dans un monde globalisé et interdépendant, l'avenir se joue partout, et pas seulement au Sud de l'Europe. Il n'y a pas de régions qui échappent à cette réalité. Néanmoins, je le reconnais volontiers ; la Méditerranée concentre un grand nombre des enjeux de ce 21ème siècle, notamment en matière migratoire ou encore d'environnement. C'est d'ailleurs cette conviction qui a conduit 43 Etats à lancer au sommet de Paris, le 13 juillet 2008, le projet d'Union pour la Méditerranée, lequel avance, au delà des difficultés institutionnelles, de façon concrète et positive, si j'en juge par les projets qui ont actuellement reçu un financement.
La coopération entre la France et le Maroc s'inscrit dans une longue tradition d'amitié, ce nouveau projet confirme-t-il la volonté de la France d'accompagner le Maroc dans la voie des réformes et du progrès mais dans une perspective plus égalitaire ?

La France est un partenaire historique du Maroc ; le lien qui nous unit est ancien et solide. Je suis confiant que, sur les sujets dont j'ai la charge, comme sur d'autres, notre collaboration sera à la hauteur de ce partenariat politique et humain d'exception.

Source : Le Matin

Google+ Google+