Les attentats, la polarisation sur l’islam, la question des réfugiés, la montée des enjeux identitaires… L’année 2015 a été témoin de nombreux basculements. Les lois sur l’immigration qui ont découlé des événements se sont durcies et ont renforcé les installations définitives.
Coauteur d’un « Atlas des immigrations », l’historien Pascal Blanchard décrit le dynamisme des migrations qui se sont opérées en France au cours des deux derniers siècles. L’ouvrage rappelle qu’une véritable historiographie de l’immigration s’entend par l’étude de toutes les sortes d’immigration, des cols blancs aux migrants, en passant par les réfugiés en Méditerranée. Tout ne se résume pas au « travailleur immigré en France dans les années 70 », déclare-t-il dans une interview accordée au journal Libération.
« Parler de l’histoire de France sans parler de l’histoire de l’immigration, ce serait comme raconter l’histoire des Etats-Unis en oubliant la guerre de Sécession et l’histoire de la ségrégation. », rappelle Pascal Blanchard. Généraliser et polariser la figure d’immigration à celle du travailleur maghrébin des années 70-80, image qui domine souvent l’étude de l’immigration, serait occulter « des enjeux migratoires bien plus complexes », selon le spécialiste.
Les critères qui définissent « l’immigré » varient sans cesse, en fonction des époques, des diasporas et des régions. Il rappelle également que les frontières « ne sont pas immuables » et n’ont de cesse de changer, notamment à travers les guerres de conquête ou de décolonisation.
« Beaucoup de citoyens sont devenus français par la conquête militaire, ils n’ont pas migré, c’est la frontière qui est venue à eux. »
De manière générale, les migrants restent
Si jusque dans les années 70, les immigrés retournaient dans leurs pays de manière quasi systématique, la tendance s’est aujourd'hui inversée. Hormis quelques exceptions parmi lesquelles certains descendants de la troisième génération de l’immigration maghrébine poussés à quitter la France pour trouver de meilleures opportunités à l'étranger.
En outre, on assiste aujourd’hui à des retours différés d’une ou plusieurs générations dans le pays d’origine de leurs parents. De nombreux jeunes ayant fait leurs études en France décident ainsi de partir travailler dans ces pays où ils n’ont jamais vécu. Les études en France ne font plus rêver et le pays arrive loin derrière les Etats-Unis, l’Afrique du Sud ou le Canada.
La construction de la figure de l’immigré
La figure de l’immigré apparaît avec la révolution industrielle, au XIXe siècle. C’est l’idée d’un homme qui arrive pour travailler comme paysan ou ouvrier et qui vient de l’empire colonial, de l’Europe, ou encore des campagnes. Parallèlement, l’image de l’indigène et du colonisé se construit. La fusion de ces deux images s’effectue progressivement jusqu’à devenir celle de l’indésirable. Elle s’affirme après les indépendances et devient, en 1970-1980, la référence de l’immigré.
Contrairement à une idée partagée, l’immigration coloniale ne date pas des indépendances. « Les premiers immigrés coloniaux sont à Marseille dès 1905-1906. », venus pour travailler sous le patronat. La Grande Guerre va démultiplier la présence de ces travailleurs coloniaux.
En Europe, la France reste le premier pays des « mariages intercommunautaires ». Toutefois, cette mixité ne témoigne pas d’un recul du communautarisme. Ce besoin de faire du commun fait état du « désir de se replier pour mieux se défendre contre les discriminations », mais également du « péril sur une identité dont on a l’impression qu’elle est menacée », ajoute le spécialiste de l’immigration.
25/12/2016, NAWEL OUADI
Source : Yabiladi