vendredi 22 novembre 2024 02:50

La Scandinavie, cet eldorado des réfugiés, opère un virage à droite

Submergés depuis plus d’un an par une vague inédite de demandeurs d’asile, les pays nordiques ont vécu en 2016 un virage à droite en cédant, comme ailleurs en Europe, à la puissante vague populiste.

Et pour cause, la politique des bras ouverts d’antan passe désormais mal auprès d’une opinion publique crispée et une classe politique de plus en plus à droite sur le dossier explosif de la migration.

Longtemps considérés comme un eldorado pour les demandeurs d’asile, les Etats scandinaves commencent en effet à serrer la vis.

Au-delà du fardeau économique, "la catastrophe des réfugiés", comme les médias locaux l’appellent, génère de fait depuis plusieurs mois un climat de haute tension sociale dans les pays de la région, mouvementés par des attaques violentes contre les foyers de réfugiés.

La Suède, qui a accueilli depuis 2014 un nombre record de 245.000 migrants, a dû s’adapter à la fronde populaire en durcissant ses règles d’asile en janvier par le rétablissement des contrôles frontières et la décision d’expulser 80.000 demandeurs déboutés.

Les longs délais administratifs, les règles plus compliquées sur le regroupement familial et la sélection stricte des demandes ont poussé un record de 10.655 réfugiés à quitter le pays durant les huit premiers mois de l’année.

Pour la coalition socialiste-écologiste au pouvoir, ce changement d’attitude intervient en réponse à l’absence de soutien de l’Union européenne et au refus de certains pays de respecter le système de quotas.
"Quand les administrations et les communes disent que ce n’est plus durable, nous devons agir", a expliqué le Premier ministre social-démocrate, Stefan Lofven, en affirmant que le pays était arrivé à ses limites.

Ce coup de frein migratoire, qui permettra à l’Etat d’économiser plus de cinq milliards d’euros, porte ses fruits: le nombre de demandes d’asile a été de moitié inférieur entre janvier et septembre 2016 à celui qui avait cours en 2015 pour la même période. Il s'agit là d'un ralentissement de taille sachant que la Suède avait vu le nombre des requêtes doubler entre 2014 et 2015 pour atteindre 160.000 l’année dernière.

Au Danemark voisin, le gouvernement minoritaire de centre-droite a lancé une politique d’asile parmi les plus strictes en Europe dans l’espoir de décourager les candidats à l’asile, après avoir accueilli 21.000 migrants l’année dernière.

L’exécutif a mis en place plusieurs mesures controversées, à l’heure où la droite populiste qui a intégré dernièrement la coalition au pouvoir se sent pousser des ailes après une percée historique lors des dernières législatives de 2015, avec 21% des suffrages.

La mesure la plus spectaculaire a été la confiscation des objets de valeur des migrants arrivant dans le royaume nordique afin de financer leur prise en charge.

Adoptée par le parlement au début de l’année, cette loi contestée par les Nations Unies et les ONG des droits humains, autorise concrètement la police à fouiller les bagages des migrants afin de saisir l’argent liquide et les objets de valeurs à hauteur de 10.000 couronnes (1.340 euros) par personne.

"Le Danemark a la responsabilité d'aider les personnes qui veulent se réfugier. Mais nous avons aussi la responsabilité de maintenir la cohésion économique, sociale et culturelle du pays", a expliqué la ministre de l'Immigration et de l'Intégration, Ingrid Stojberg, en justifiant le durcissement des critères d’asile.
De plus, Copenhague a décidé de suspendre, "jusqu'à nouvel ordre", sa participation à un programme de l'agence des Nations Unies pour les réfugiés (HCR) visant l’accueil d’environ 500 demandeurs d’asile par an.

Force est de constater que l’ensemble des décisions prises par l’exécutif, très critiquées à l’étranger, a cependant fait l'objet d'un consensus de la classe politique, y compris parfois au sein du premier parti d'opposition, les sociaux-démocrates.

Sur les pas de Stockholm et Copenhague, Helsinki a décidé de réviser à la baisse les "généreuses" prestations sociales destinées aux nouveaux arrivants, fournir des titres de séjour provisoires et durcir les conditions du regroupement familial, entre autres.

A peine remise de la crise économique en 2015 après trois années consécutives de récession, la Finlande avait également annoncé qu’elle compte renvoyer près de 60% des 32.000 migrants arrivés dans le pays l’année dernière.

Le gouvernement finlandais, où siège la formation populiste et anti-immigration Vrais Finlandais, va fermer aussi d’ici fin 2017 les deux tiers des centres d’accueil pour réfugiés à cause de la chute des flux migratoires, mais aussi pour des raisons économiques.

"L’aspect financier est sans nul doute un facteur déterminant dans la prise de telle décision" dans un contexte marqué par l’adoption d’une politique publique ouvertement pro-austérité, comme l’a expliqué Pekka Nuutinen, directeur du service finlandais de l’immigration.

28/12/2016, Mohamed Bouhjar

Source : MAP

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