En abandonnant le dispositif en place depuis 50 ans qui accordait un permis de séjour aux immigrants clandestins cubains arrivés sur le territoire américain, Barack Obama tourne la page de décennies de tensions entre les deux pays autour de cette question très sensible.
Plus de deux millions de Cubains ont émigré depuis un demi-siècle, pour une population qui compte aujourd'hui 11,2 millions d'habitants. Près de 80% d'entre eux sont partis aux Etats-Unis, particulièrement en Floride, à 150 kilomètres au nord de l'île.
Au cours des trois années ayant suivi la révolution castriste de 1959, près de 300.000 Cubains quittent l'île, pour l'essentiel des gens compromis avec le régime renversé de Fulgencio Batista. C'est à cette époque que La Havane instaure son système de "carte blanche", permis de sortie indispensable aux candidats aux voyages, et confisque les biens des émigrés.
Les années suivantes, les nationalisations et expropriations poussent encore des milliers de Cubains à s'exiler. Sans compter "l'opération Peter Pan", qui a vu l'organisation en 1960 et 1961 par les Etats-Unis de l'exfiltration de 14.000 enfants que des rumeurs disaient destinés à être envoyés en Union soviétique.
Désireux d'accueillir les candidats à l'émigration, les Etats-Unis adoptent en 1966 une "loi d'ajustement", qui offre des facilités d'installation aux émigrés cubains. Selon La Havane, cette loi encourage l'émigration sauvage et dangereuse à travers le détroit de Floride et le trafic de personnes.
A l'émigration "politique" des années soixante, succède bientôt une émigration plus "économique" de Cubains qui fuient un système qui les confine à la survie.
Une première crise éclate en 1980, lorsque 10.000 personnes trouvent refuge dans les jardins de l'ambassade du Pérou en quête d'un exil. Fidel Castro ouvre alors le port de Mariel, à 50 kilomètres à l'ouest de La Havane, aux bateaux venus de Floride.
Quelque 125.000 personnes gagneront ainsi les Etats-Unis et le surnom de "marielitos". Fidel Castro en profite également pour vider les prisons et les hôpitaux psychiatriques... Depuis, Cuba refuse d'accueillir des milliers de ressortissants aux antécédents criminels que les Etats-Unis veulent extrader.
Un exode semblable éclate en 1994. Les "balseros" s'élancent à la mer à bord de toutes les embarcations de fortune ("balsas") qu'ils peuvent trouver ou fabriquer. Quelque 37.000 d'entre eux parviendront aux Etats-Unis, mais les difficiles conditions de voyage font aussi des milliers de morts et disparus.
Depuis 1995, une loi "pieds mouillés, pieds secs" permettait aux émigrés "sauvages" d'être accueillis à bras ouverts en Floride s'ils touchaient le sol américain. S'ils étaient trouvés en mer, ils étaient renvoyés à Cuba. Cette politique a été abrogée jeudi.
En 2013, une réforme migratoire cubaine a assoupli les conditions de voyage et a permis à de nombreux Cubains de transiter légalement dans des pays tiers pour franchir ensuite la frontière américaine au Mexique, et parfois au Canada. En parallèle, les autorités américaines délivrent chaque année plus de 25.000 visas d'immigration à des Cubains.
Depuis le dégel engagé fin 2014 entre les deux pays, on a observé un regain des départs, nourri par la crainte -justifiée par l'annonce de jeudi- de la suppression des privilèges uniques au monde qui étaient accordés aux migrants Cubains.
Selon l'institut Pew Research Center, qui cite des données officielles américaines, le nombre de migrants cubains ayant rejoint les Etats-Unis est passé de 24.278 en 2014 (année fiscale) à 43.159 en 2015, puis 46.635 en 2016 (seulement 10 mois comptabilisés).
A la faveur de la loi de 2013, qui permet leur retour, les émigrés cubains partent souvent dans l'idée de revenir visiter et aider leur famille. Les "remesas" (envois d'argent) des exilés constituent une des principales sources de devises pour Cuba, avec environ 2,5 milliards de dollars par an.
13 jan 2017
Source : AFP