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​Retourner au pays d’origine ou s’investir dans celui d’accueil ?

Le marché de l’emploi au Maroc ne semble pas aussi accessible et  facile à intégrer pour les compétences marocaines formées à l’étranger. C’est ce qui ressort d’un récent sondage réalisé par AMGE Alumni (Association des Marocains des grandes écoles  et universités), auprès d’une centaine de jeunes diplômés et cadres résidant au Maroc (ayant fait le choix du retour), ou à l’étranger (envisageant concrètement leur retour). Les premiers résultats de cette enquête ont indiqué qu’un tiers des sondés a jugé « très long » le processus de recrutement, en qualifiant de « dépassées» les procédures d’embauche.

Selon les sondés, ce processus peut durer  plusieurs mois voire une année et recourt toujours à des outils de communications vétustes (sites web non dynamiques, non actualisés et incomplets). Un premier contact qui n’augure, selon 15% des personnes sondées, rien de bon pour les opportunités de progression de leurs carrières au Maroc. Ceci d’autant plus qu’environ 45% des interviewés estiment devoir se réadapter à la culture d’entreprise et faire des ajustements au niveau des salaires alors que 60% d’entre eux ont déclaré avoir utilisé leur réseau pour trouver un emploi.
Le sondage a révélé également que la décision du retour est motivée pour les 2/3 des répondants par des raisons professionnelles (valorisation de leur diplômes et de leurs compétences, promotion professionnelle…). La recherche d’un cadre de vie et de travail de qualité figure aussi parmi lesdites motivations. 
Pourtant, au-delà de tout débat sur les résultats de ce sondage puisque rien ne filtre sur la définition de son objet principal ni sur la taille de l’échantillon du sondage en question, ni encore sur l’analyse des résultats, il reste, cependant, que la dynamique du retour des compétences marocaines à l’étranger est une réalité en plein essor que confirme d’ailleurs Hicham Jamid, doctorant au CNAM Paris (LISE-CNRS) et à l’Université Ibn Zohr d’Agadir (LEMASE /ORMES) dont le projet de thèse porte sur les migrations des Marocains hautement qualifiés. « On peut dire que le Royaume est désormais une destination de plus en plus attractive pour ces profils de diplômés étant donné les avancées qu'il a pu réaliser cette dernière décennie », nous a-t-il indiqué. Et de poursuivre : « Nombreux sont ceux qui trouvent au Maroc, un terrain propice pour réussir  leur carrière professionnelle bien que de nombreuses lacunes entravent la décision du retour notamment la culture de l'entreprise». 

Notre source préfère parler plutôt de mobilité et non de retour. « Bien sûr que l'on peut parler de retour qui peut être soit définitif ou temporaire. Mais ces personnes sont plus dans la mobilité  entre le Maroc et leur pays d'acceuil, voire d'autres pays étrangers. Il vaut mieux donc parler de mobilité aussi bien dans sa dimension spatiale que sociale », nous a-t-elle expliqué, en précisant que le nombre des compétences de retour à la mère patrie n’est pas facile à déterminer. « Aucune structure, qu’elle soit publique ou privée, ne dispose de chiffres concernant le retour des migrants marocains qualifiés. Même le dernier recensement du HCP ne révèle rien à ce sujet», nous a assuré Hicham Jamid, tout en estimant qu’il est difficile de confirmer des retours aussi importants de ces compétences que ceux de 2008. « Nous ne disposons pas d’indications pour nous permettre de comparer les retours actuels à ceux enregistrés lors de la crise économique de 2008 et de la période post-crise. Mais nous pouvons, cependant, constater que les retours de ces compétences  est une réalité palpable», nous a-t-il expliqué. Des chiffres du ministère chargé des Marocains résidant à l’étranger et des Affaires de la migration évaluent à plus de 400.000 MRE qui ont un niveau Bac+5 et plus et à 16% le taux d’émigration des Marocains «très qualifiés» dans les  pays de l’OCDE.

Concernant le profil-type de ces compétences, notre chercheur a indiqué qu’il s’agit d’un profil varié. « En règle générale, on a affaire à  des jeunes ingénieurs ou à des diplômés de grandes écoles de commerce formés en France ». Et d’ajouter : « L’Hexagone reste toujours le pays qui draine le plus grand nombre de compétences même s'il existe aujourd'hui d’autres destinations, entre autres le Canada, les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et la Chine ».

Et qu'en est-il des programmes et mesures prises par le ministère chargé des MRE pour attirer ces compétences vers le Maroc? Qu’en est-il dans ce cas de la création de réseaux géographiques et thématiques, du financement du programme FINCOME pour la mobilisation des chercheurs et scientifiques marocains du monde ou encore de la mise en place du programme «Business leaders» pour  des entrepreneurs marocains du monde ?« Le Maroc développe depuis 25 ans la politique de mobilisation des compétences à travers de nombreux programmes. Tel le cas du programme TOKTEN soutenu par le PNUD et celui du FINCOME ou encore le portail Maghribcom lancé il y a trois ans par le ministère de tutelle pour justement mettre en réseau ces Marocains en vue de les tenir au courant des opportunités d'affaires au Maroc. Quoi qu’il en soit, notre pays peine encore à tirer profit des compétences scientifiques et techniques de ces migrants qualifiés au vu de sa politique ambiguë et incohérente», nous a fait savoir notre source. Et de poursuivre : « Du coup, il est difficile encore aujourd'hui d'évaluer l'apport de ces compétences au Maroc. Nous constatons des expériences réussies mais également des échecs.  Il y a ceux qui sont retournés au Maroc, ils ont essayé, ils y ont travaillé mais en fin du compte, ils ont préféré retourner dans leur pays d'accueil».  

Evoquant l’avenir de cette mobilité des compétences, Hicham Jamid pense que ces migrants marocains jouissent de compétences techniques et scientifiques qui ne peuvent être que bénéfiques pour le Royaume, à condition que celui-ci déploie davantage d'efforts pour les séduire. « Il y a encore des efforts à faire au niveau de l'administration publique, de l’accompagnement, des infrastructures et de l’orientation », a-t-il conclu. 

16 Janvier 2017, Hassan Bentaleb

Source : Libération

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