Combien d'immigrés en France? Combien de refoulés? Avec quel impact économique, social? Un collectif de parlementaires de tous bords lance un «audit» de la politique migratoire du gouvernement.
Chiffrer l'impact économique, démographique, social «non pas de l'immigration mais de la politique française de l'immigration». Etudier à la loupe chacun des choix faits en la matière, en peser le pour et, surtout, le contre. C'est la vaste entreprise dans laquelle se sont embarqués une vingtaine de parlementaires, de gauche mais pas seulement, réunis ce mardi à l'Assemblée pour lancer leur «audit» de la politique migratoire française.
Originale par son dessein, l'initiative l'est aussi par la composition hétéroclite de ses initiateurs: onze députés (dont deux UMP, Etienne Pinte et Françoise Hostalier, le Vert Noël Mamère, les PS Daniel Goldberg ou George Pau-Langevin...), quatre sénateurs, cinq eurodéputés (dont le Modem Jean-Luc Benhamias ou l'Europe-écologiste Eva Joly). Alliés pour l'occasion à des universitaires et militants du collectif Cette France-Là, à l'origine du projet. L'association s'était fait connaître en 2008 en publiant un ouvrage du même nom, qui se voulait être un bilan critique et documenté de la politique d'immigration à la française. Le deuxième tome est sorti il y a un mois (diffusé par les éditions La Découverte).
Pour pousser plus loin son propos sur la place publique, «Cette France-là» a sollicité les parlementaires avec au fond, cette question, résumée par Michel Feher, philosophe qui préside le collectif : «Est-ce que l'immigration choisie sert vraiment les intérêts de la France?»
«Mission de contrôle»
L'idée est bien de rassembler et décortiquer des données jusqu'alors éparses mais aussi, souligne le sociologue Eric Fassin, de «poser question»: «Donner des chiffres, mais aussi montrer comment on les calcule.» Et donc, au passage, démonter des «présupposés» voir des «dogmes» au fondement de la politique migratoire actuelle (la menace de «l'appel d'air», «l'immigration choisie» ou «subie»...).
Les élus qui ont attrapé la balle au bond comptent saisir la semaine prochaine les présidents des deux chambres – Assemblée, Sénat – et le Parlement européen pour créer une mission parlementaire officielle. Si elle permettrait d'asseoir la démarche et de lui apporter des moyens logistiques, sa mise sur pied reste pour le moins hypothétique. Le collectif ne s'en cache pas, assurant dès à présent vouloir mener l'audit même cas de refus d'une mission officielle, en vertu de la «mission de contrôle» qui incombe aux parlementaires. Quitte à puiser sur leurs propres deniers pour monter les auditions et publier le rapport final prévu pour la fin de l'année.
Sur la liste de noms que les parlementaires voudraient entendre à compter du mois de juin, des politiques, des hauts fonctionnaires, des chercheurs, des membres d'associations et d'ONG, des représentants d'autorités des pays à flux migratoires, des membres d'organisations internationales... Brasser large, tous positionnements et écoles de pensées confondus, pour «garantir la multiplicité des regards», insiste la députée Sandrine Mazetier, secrétaire nationale en charge des questions d'immigration au PS.
Encore faut-il que les auditionnés potentiels acceptent de se prêter au jeu. Le ministre Eric Besson a déjà fait savoir qu'il n'en serait pas, en tout cas si les travaux doivent se faire hors du cadre officiel et donc «sans aucun fondement juridique», pointe son cabinet. Le ministre a d'ailleurs contre-attaqué, annonçant début avril le lancement de son propre audit sur le «coût du maintien sur le territoire des étrangers en situation irrégulière» ainsi que «le coût de leur placement en rétention». Audit confié à un cabinet privé, ce que le collectif de parlementaires ne se prive pas de relever.
Source : Libération.fr