Comment mettre des mots sur le velours, sur la soie ? Le lexique du stylisme se confond avec celui des saisons. La splendeur des coupes, des créations ne laisse plus de place à la raison mais seulement à l’émotion ! La saison de mode 2010 en appelle à la diversité. Difficile, en effet, de définir les grandes lignes, les choses récurrentes dans la mode d’aujourd’hui chez les créateurs marocains, dessinateurs des grandes tendances.
La Fashion week, qui se tient à Casablanca, les 6,7 et 8 de ce mois à l’ex-Eglise du Sacré-cœur, vient confirmer cette tendance. Le programme des défilés est contrasté, à l’image des créateurs. La cinquième édition de FestiMode rassemble, en effet, les stylistes les plus déjantés : les coups de ciseaux s’opposent, se confrontent.
«Cette année, nous nous sommes ouverts davantage à la diaspora marocaine. Nous travaillons en collaboration avec le Conseil de la communauté marocaine à l’étranger (CCME) pour rassembler, le temps de quelques jours, des créateurs marocains qui vivent ailleurs et dont le talent est reconnu mondialement. Nous voulons faire de Casablanca un rendez-vous incontournable de la mode prêt à porter et nous ouvrir à l’international», explique Jamel Abdenasser, directeur général de FestiMode Casablanca fashion week. Saïd Mahrouf, le créateur maroco-néerlandais, a répondu à cet appel, comme il le fait depuis 2007 (en 2008 grâce à sa participation à FestiMode, le créateur a été invité au salon du prêt-à-porter de Paris). Hicham Oumlil, Amel Bouazizi y participent également. A côté de ces stylistes confirmés, une nouvelle génération avec des idées plein la tête !
Les stylistes de générations et d’horizons divers investissent les podiums pour livrer leur vision de la mode entre expérimentations et bon goût chic. Le célébrissime Saïd Mahrouf, dont les œuvres sont exposées au Museum of Contemporary Art et au Cooper Hewitt Museum à New York, est revenu cette année pour «magnifier le corps de la femme». Riche de sa technique sans faille, le créateur conçoit des vêtements à la tenue irréprochable, sa signature est facilement reconnaissable. Saïd Mahrouf est toujours fidèle à son style. Il plie, déplie les tissus pour mieux révéler leur texture. Ses vêtements se portent de différentes façons. Les œuvres de l’artiste occupent l’espace avec élégance. Des découpes linéaires mais qui épousent à la perfection les formes du corps. Ses créations flirtent avec la fantaisie, sans jamais oublier l’élégance.
Du street style au chic
Parmi les pièces incontournables de ce défilé, les œuvres de Noureddine Amir (qui a créé sa propre marque à Marrakech). Le créateur est devenu synonyme de branchitude décalée, extrêmement prisée. Le styliste est virtuose du traitement de la matière. Avec Amir, on est tout le temps dans la démesure. Le «modeur» est connu pour ses costumes de théâtre et de cinéma, ses modèles extravagants. Aux matières nobles et au traitement sophistiqué il marie souvent les bijoux de Amina Agueznay.
Hicham Oumlil est aussi présent au rendez-vous casablancais. Le créateur marocain est l’un des participants à la Fashion Week New-yorkaise depuis 5 années. La marque Oumlil est devenue une référence, pour les vêtements homme dans le monde. Le Casablancais revient à sa ville natale et y présente ses dernières créations, toujours très chic et raffinées.
Cependant, dans cet univers d’hommes, une femme se distingue. D’abord par ses créations et ensuite par ses procédés de création. Il s’agit de Amel Bouazizi qui vit à Rotterdam et qui utilise la vidéo et la photographie pour sculpter ses vêtements.
FestiMode c’est aussi l’occasion pour les jeunes stylistes de voir leurs œuvres sur un podium et de travailler dans des conditions professionnelles. Les défilés émergences de ce Fashion week sont à regarder de très près. Les lauréats de ce concours n’ont pas été choisis au hasard et, même s’ils sont débutants, ils ne manquent ni d’audace ni de talent !
Défilés émergences
Le binôme Yamane Aladgham et Mehdi Kessouane en est un excellent exemple. Les dérèglements climatiques semblent influencer l’esprit créatif de nos jeunes stylistes. La collection que propose les deux étudiants de la section «Architecture et Design d’objet», à Casablanca, a surpris le jury. Une ligne de vêtements de matières naturelles. Dix robes en lin dont le tissu a été modifié pour prendre la forme de coraux. Si l’on suit la trame de l’histoire, la dernière robe blanche symbolise le blanchissement du corail et sa mort… Une collection qui nous entraîne ainsi dans un cauchemar finement esthétique et captivant à la fois. De cette nouvelle génération de créateurs, on ne peut passer outre Ghitta Laskrouif qui est dans la transformation. La jeune styliste trouve une expression souveraine dans les tissus les plus banals en apparence, qui deviennent, du coup, objets d’art. Constituant de délicates robes à partir d’anciens vêtements, ses assemblages paraissent aléatoires mais donnent, au final, de belles créations. La jeune artiste fend l’atmosphère chic. Aventureuse, elle refuse le consensuel !
Ahmed Taoufik est cet autre lauréat du concours émergences. Le créateur traverse le vêtement, furtivement, et affiche une tenue urbaine faussement désinvolte. Le jeune styliste de 26 ans a évolué dans un univers de danse, à contre-courant. Il ne se conforme à rien même s’il se plie aux exigences de la mode, de sa mode ! Son vêtement parle le langage de la rue. En créateur averti, il allie la douceur de la matière à l’agressivité des découpes.
Source : La Vie éco