vendredi 22 novembre 2024 20:32

Dix jours dans la peau d'un migrant grâce à un jeu de rôle grandeur nature

"Stop! Vos papiers. Ouvrez votre sac!" Alejandro s'exécute sans trembler pour ce contrôle au faciès. Cela fait partie d'un jeu de rôles organisé par texto jusqu'à la mi-juin à Vienne pour faire connaître le quotidien difficile des migrants dans la capitale autrichienne.

Les contrôles au faciès à répétition sont l'une des expériences auxquelles s'exposent depuis le 3 juin une centaine de participants volontaires de "Schwellenland" (pays en transition en allemand) expérience inscrite au programme d'un festival artistique, qui se déroule à chaque fois dans un quartier différent de Vienne.

D'entrée les joueurs ont été harangués en chinois ou dans une langue africaine par un "fonctionnaire" de Schwellenland brandissant des formulaires puis déchus -symboliquement- de leur nationalité.

Dans ce nouveau monde (pas si) imaginaire, les volontaires se frottent à différent aspects comme les chicanes des services d'immigration, le travail au noir ou l'absence de couverture maladie.

"Les situations sont inspirées des récits de véritables migrants", explique le metteur en scène allemand Jörg Lukas Matthaei qui supervise ce jeu de rôles.

Pour chacune des dix journées du jeu, le "plateau" se déplace au gré des épreuves au quatre coins de la capitale. Tantôt dans un parc, une gare routière ou bien un marché, sous l'oeil curieux des passants.

Les rendez-vous et les missions à accomplir sont divulgués par SMS ou par des indications sur un site internet.

"Au fond, nous avons toujours notre passeport européen en poche. Il s'agit donc moins de rejouer la vie d'un réfugié que de modifier la perception des gens", selon le metteur en scène qui a effectué des recherches pendant un an à Vienne pour le projet.

Environ 25 migrants, arrivés de plus ou moins longue date en Autriche, y participent activement.

Ils conseillent avec leur savoir-faire les joueurs --divisés en trois groupes: les migrants vulnérables, les habitants locaux chargés de les aider et enfin les surveillants zélés, défenseurs de l'ordre établi-- et distribuent bons et mauvais points.

"Chez nous, les migrants sont les spécialistes. Ils sont valorisés", insiste le metteur en scène.

Tout le contraire de l'ambiance en Autriche, où l'extrême droite et la presse populiste stigmatisent sans relâche les étrangers non occidentaux et demandeurs d'asile.

La ministre de l'Intérieur conservatrice Maria Fekter s'est même attirée les foudres début 2010 du Haut commissariat des Nations unies pour les réfugiés en proposant de les interner jusqu'au terme de l'examen de leur dossier.

La petite république alpine, dont environ 11% des résidants sont étrangers et qui a enregistré 75.000 demandes d'asile entre 2005 et 2009, se fait remarquer par des contrôles au faciès récurrents, déplore Amnesty International.

"Cela se passe comme cela, surtout pour les Africains. Ils sont faciles à voir", témoigne Eliou un Guinéen, réfugié depuis quatre ans en Autriche. Il espère "ouvrir les yeux des gens et leur donner le courage de faire quelque chose de positif" pour ces étrangers, considérés comme des délinquants en puissance par une large partie de l'électorat.

Enthousiasmé par le concept du jeu, Dieter le prend au mot: "cette expérience a remis à l'ordre du jour mon projet de donner des cours de soutien scolaire à des enfants de migrants", note ce géologue d'une trentaine d'années.

L'Autriche tirant profit de l'immigration, M. Matthaei souligne l'"ambivalence" entourant cette thématique.

Même les actes de générosité comme celui de Dieter en sont empreints: "le fait d'aider quelqu'un est toujours lié à ce que l'on espère en retour, de manière matérielle ou émotionnelle".

Source : AFP

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