C'est dans une des librairies huppées de Bruxelles que l'universitaire et écrivain marocain Fouad Laroui a présenté son nouveau livre: "des Bedouins dans le Polder" publié aux éditions françaises "Zellige".
Il s'agit, bien évidemment, de l'histoire des immigrés marocains en terre néerlandaise. En témoigne le titre, qui peut paraître à première vue, provocateur. Mais " C'est juste une image n'y cherchons aucune autre intention", rétorque l'auteur à la MAP. Cependant, ce livre est surprenant dans sa démarche et dans son contenu.
Fouad Laroui a choisi la chronique du fait divers pour révéler la fragilité d'une population prise dans les rets de ses propres carcans.
Dans un style sobre mais juste, l'écrivain nous fait part, tel un conteur qui dit à demain à son lecteur, de récits déroutants qui n'ont aucun lien les uns avec les autres mais qui pourtant s'emboîtent grâce à l'habileté dans l'écriture.
Six chapitres truffés d'histoires de témoignages, légères mais fortes, recueillis au gré du hasard, de moments décalés, plongent le lecteur dans des lieux différents : un train, une gare, une terrasse de café, un tribunal, une administration, une route au lever du jour.
L'auteur qui reste en dehors de ce panorama atypique, dresse des chapiteaux, mettant en scène ses personnages à l'aide d'un jeu allégorique subtil et original et mêlant, dans une même coulée, évènements collectifs et réactions humaines, afin de dévoiler, à travers des questions et des réponses, les multiples facettes psychologiques et les péripéties "des gens du commun" et des "grands personnages".
De prime abord rebutant car la galerie d'esquisses est cruelle, le livre de Fouad Laroui décrypte et dénonce l'ignorance et les clichés, aussi bien de ceux de la société de souche que ceux de la communauté d'origine étrangère. Les deux mondes s'affrontent et les dialogues de sourds à des degrés divers, s'entrechoquent, générant du burlesque, ce que l'auteur qualifie de "situations tragi-comiques".
" J'ai noté pendant plusieurs années dans un petit carnet des anecdotes, des choses vues, des dialogues entendus dans les rues d'Amsterdam et d'autres villes des Pays Bas", écrit en préface l'auteur qui estime tout de même, qu'une simple anecdote est plus convaincante" que " la démonstration rigoureuse " de l'ethnologue ou du sociologue.
L'anecdote fait office de démonstration. Fouad Laroui pointe en effet du doigt la méconnaissance de l'autre et les difficultés à vivre ensemble. Il donne des exemples concrets qui laissent perplexes, tels que ces tests d'insertion civile "élaborés par les Néerlandais pour les étrangers pour une éventuelle intégration en cas d'échecs, ils seront certes pénalisés, "les séminaires du ministère de la justice pour comprendre les Marocains", "pourquoi les Marocaines ne font pas de vélo", "un Hammam" socio-éducatif", " les tests ADN " pour éviter les mariages consanguins, ou encore l'histoire très drôle de cette jeune femme si naïve "profondément attachée au pays de ses aïeux" et, surtout l'épilogue judicieux qui déclenche la sensation du vide.
Face à cette compilation stupéfiante en ce qu'elle provoque des sentiments contradictoires, où l'on est partagés entre l'envie de rire et celle de pleurer, le lecteur se demande : l'immigration est elle désintégration ? L'immigration est elle solitude ? L'immigration est elle découragement ?
Et, l'auteur sur un ton léger et néanmoins lucide, répond une seconde fois à la MAP : " l'immigration ne peut pas aller sans heurt, à moins qu'elle se déploie dans un territoire entièrement vide. Et encore, il y aurait des problèmes avec les moustiques locaux ou les lézards". "Vérité en-deçà des Pyrénées, erreur au-delà". Rien n'a changé, de ce point de vue, affirme l'écrivain dans un clin d'œil aux Pensées de Pascal.
Source : MAP