samedi 23 novembre 2024 01:59

Le voile intégral se glisse dans un hémicycle échauffé

Les députés ont entamé hier l'examen du projet de loi sur l'interdiction du voile intégral, dans un climat électrisé par l'affaire Woerth.

Les députés avaient-ils vraiment la tête au niqab? Hier soir, à l'Assemblée Nationale, s'est ouvert l'examen du projet de loi sur «l'interdiction de se dissimuler le visage», dans une ambiance encore électrique après un après-midi agité: le nom d'Eric Woerth est revenu avec insistance et les élus socialistes ont fini par quitter la séance.

Ce projet de loi s'appuie en grande partie sur les conclusions de la mission présidée par le députée PCF du Rhône, André Gerin, même si la question de la religion apparaît aujourd'hui au second plan après avoir été au cœur des débats. Il faut dire que le 30 mars dernier, le Conseil d'Etat, saisi à titre consultatif, a émis de sérieux doutes quant à la possibilité légale d'interdire le voile intégral sur d'autres motifs que l'ordre public.

La garde des Sceaux Michèle Alliot-Marie a ouvert le débat en insistant donc sur le caractère profondément républicain d'une loi qui n'est affaire «ni de sécurité ni de religion» mais «d'ordre public social ou immatériel» avec une triple visée de «dignité», «d'égalité» (des sexes) et de «transparence». Explicitation et slogan de la ministre : «La République se vit à visage découvert.»

Boycott socialiste

Lors de sa présentation, MAM a estimé que le projet présentait un «bon équilibre entre prévention et sanctions» tout en espérant un consensus entre la majorité et l'opposition. Raté! Les députés socialistes, plutôt nombreux dans l'hémicycle, ont déposé une motion de rejet par l'intermédiaire de Jean-Marc Ayrault, leur président. Plus tôt dans la journée, ils avaient fait part de leur volonté de ne pas participer au vote, mardi prochain.

Jean Glavany (PS), membre de la mission parlementaire, a expliqué la défiance de son camp vis-à-vis de cette loi en provoquant l'ire de la droite. L'élu des Hautes-Pyrénées a justifié ce boycott par deux raisons: le caractère inopportun de la loi et le risque d'un retoquage au niveau supérieur, qui serait un «formidable cadeau pour les intégristes». Au nom de son parti, Jean Glavany a assuré n'avoir aucune indulgence pour le voile intégral tout en regrettant que le projet s'inscrive «dans la continuité du débat sur l'identité nationale».

Le socialiste a ensuite accusé Jean-François Copé d'avoir parasité les discussions par «ses oukases» et «ses diktats» ravivant des braises encore chaudes. Le chef de file des députés UMP, porte drapeau des anti-burqa, avait souhaité présenter une proposition de loi sur la question en janvier dernier.

L'argument central du PS concerne les limites d'application de l'interdiction de se dissimuler, arguant qu'une prohibition totale exposerait l'Assemblée à cinglant revers de la Cour européenne des droits de l'homme (CEDH) notamment. Enfin, les noms d'oiseaux ont fusé lorsque Jean Glavany a lâché: «Les Français sont plus préoccupés par autre chose en ce moment» ; invoquant ensuite «la crise économique, politique et morale».

«Vous êtes bien énervé»

Excédés, les députés de la majorité ont répondu qu'il fallait que le groupe socialiste aille au fond de sa démarche et s'oppose à la loi. «Ils n'en sont pas capables car ils savent que les Français sont avec nous», a jugé un élu de la majorité. «Vous êtes bien énervés aujourd'hui», a ironisé l'ancien ministre de l'Agriculture sous Jospin. Au PS, quelques voix discordantes se sont néanmoins manifestées plus tôt dans la journée: Manuel Valls, Jean-Michel Boucheron ou Aurélie Filipetti, ont annoncé leur attention de voter pour.

Excepté André Gerin, les communistes s'abstiendront avec les socialistes. Tandis que chez les Verts, Noël Mamère a défendu une mention de renvoi en commission et critiqué un projet de loi «ostracisant» à l'encontre des musulmans de France. Le maire de Bègles estime qu'il existe déjà des «dispositifs permettant l'interdiction du voile intégral». C'est pourquoi il votera contre. L'examen reprendra cet après-midi et le vote aura lieu mardi prochain. L’accalmie n'est pas au programme.

Source : Libération.fr

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