Les pays de l'espace Schengen mettent en place un fichier contenant des renseignements concernant cent millions de demandeurs de visas, "sans aucune garantie pour la confidentialité" des données recueillies, s'est alarmée jeudi à Paris l'ONG française d'aide aux migrants, Cimade.
"Au nom de la lutte contre la fraude et de la sécurité, les gouvernements européens fabriquent une société policière dans laquelle les faits et gestes de tout un chacun peuvent être contrôlés, consignés et communiqués", dénonce l'ONG.
Dans le cadre de la mise en place de la biométrie, "le plus grand fichier au monde est en constitution par les pays de l'espace Schengen" qui vont y insérer dans cinq ans les données concernant cent millions de demandeurs de visas "qu'ils aient ou non obtenu" le document, selon l'association qui présentait une enquête sur les "pratiques consulaires en matière de délivrance des visas".
Le relevé des empreintes étant de plus en plus externalisé au profit de sociétés privés, "il n'y a aucune garantie que ces données soient en sécurité", car ces "sociétés ne bénéficient pas de l'immunité diplomatique" et "on ne sait donc pas comment leurs patrons vont réagir aux demandes des autorités" locales, s'inquiète la Cimade.
Pour la France, 101 postes consulaires ou diplomatiques sont équipés pour délivrer des visas biométriques. Le système doit être généralisé au 1er janvier 2012, selon la Cimade.
Alors que l'Union européenne est engagée dans une politique de maîtrise de l'immigration marquée par l'adoption de la "directive retour" des migrants illégaux, "le visa est devenu un véritable outil de gestion des flux migratoires", analyse l'association.
La France a enregistré 2.333.779 demandes de visas en 2008 et 1.056.819 au premier semestre 2008.
En 2009, les Russes ont été la première nationalité pour le nombre de visas de court séjour délivrés (253.112), suivis des Chinois (170.188), des Marocains (151.509) et des Algériens (130.013).
Après avoir mené une mission dans six pays (Algérie, Mali, Maroc, Sénégal, Turquie, Ukriane), la Cimade dresse un constat "accablant" de la politique de délivrance des visas.
"Entre l'impossibilité d'accéder au consulat, le flou complet des documents à produire dont la liste inexistante ne cesse de changer selon l'interlocuteur, l'argent qu'il faut verser et qui n'est pas remboursée même si la demande est refusée, les délais d'instruction extrêmement variables, les refus oraux sans explications, ni motivation, les informations erronées sur les voies de recours quand le demandeur a la chance d'obtenir une information, on ne sait plus à la fin ce qui apparaît comme le plus choquant", constate la Cimade.
Ces pratiques ont engendré, selon elle, des "dégâts" pour l'image de la France et favorisé la création de filières d'immigration illégale.
Source : Romandie/AFP