Mauvais accueil, procédure de délivrance opaque, informations erronées, corruption…
Une enquête réalisée en 2009 met à nu les dysfonctionnements des consulats de France dans six pays dont le Maroc.
L’activité visa est un business juteux pour l’Etat français : 130 M€ en 2008 dont 10% ont été versés par les demandeurs sans obtenir de visa.
Absence d’information ou diffusion d’informations erronées, délais d’attente très variables entre pays, décisions de refus non justifiées, liste de documents à fournir interminable, coût prohibitif du visa, mauvais accueil, procédure de délivrance de visa floue et opaque, corruption… la liste des dysfonctionnements est longue». La Cimade, une organisation non gouvernementale de solidarité avec les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, tire à boulets rouges sur les consulats de France à l’étranger. Une enquête sur les pratiques des consulats menée en 2009 dans six pays à savoir l’Ukraine, la Turquie, le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et le Mali et dont les résultats ont été rendus publics vendredi dernier, dresse un constat accablant. Un véritable labyrinthe administratif dans lequel se perdent les demandeurs de visas pour pouvoir obtenir le sésame d’entrée en France. D’emblée, les acteurs de la mission d’observation de la Cimade critiquent le manque de transparence dans la procédure de délivrance du visa. «L’insuffisance de règles et de critères clairs et précis rend ce dispositif très opaque», dénoncent-ils. Les auteurs du rapport d’observation veulent pour argument la liste des pièces justificatives à fournir à l’appui d’une demande de visa, qui selon eux, symbolise parfaitement cette opacité.
D’ Absence d’information ou diffusion d’informations erronées, délais d’attente très variables entre pays, décisions de refus non justifiées, liste de documents à fournir interminable, coût prohibitif du visa, mauvais accueil, procédure de délivrance de visa floue et opaque, corruption… la liste des dysfonctionnements est longue». La Cimade, une organisation non gouvernementale de solidarité avec les migrants, les demandeurs d’asile et les réfugiés, tire à boulets rouges sur les consulats de France à l’étranger. Une enquête sur les pratiques des consulats menée en 2009 dans six pays à savoir l’Ukraine, la Turquie, le Maroc, l’Algérie, le Sénégal et le Mali et dont les résultats ont été rendus publics vendredi dernier, dresse un constat accablant. Un véritable labyrinthe administratif dans lequel se perdent les demandeurs de visas pour pouvoir obtenir le sésame d’entrée en France. D’emblée, les acteurs de la mission d’observation de la Cimade critiquent le manque de transparence dans la procédure de délivrance du visa. «L’insuffisance de règles et de critères clairs et précis rend ce dispositif très opaque», dénoncent-ils. Les auteurs du rapport d’observation veulent pour argument la liste des pièces justificatives à fournir à l’appui d’une demande de visa, qui selon eux, symbolise parfaitement cette opacité. après le rapport, aucune liste nationale n’existe et la réglementation reste muette sur cette question. Résultat : les consulats établissent eux-mêmes ces listes, sans aucun encadrement législatif. Pis encore, «des documents sont exigés alors qu’ils n’ont aucun rapport avec le motif de la demande». Les chances d’obtenir un visa ne sont pas les mêmes d’un pays à l’autre puisque les demandeurs ne sont pas confrontés aux mêmes exigences. De grandes disparités existent entre pays voire entre différents consulats d’un même pays, parfois au sein du même consulat. Le témoignage de M.B illustre cet état de fait. «Avant de déposer sa demande de visa en tant que conjoint de Français, M. B. cherche des renseignements sur le site Internet des consulats de France au Maroc. Elle y trouve une liste de pièces justificatives à fournir et un formulaire de demande de visa à télécharger, qu’elle remplit. Elle se présente au consulat de France à Fès munie de ces documents, après avoir pris rendez-vous». Quelle fut sa surprise lorsqu’on lui fournit une liste de pièces justificatives différente de celle qu’elle avait trouvées sur Internet et un autre formulaire de demande de visa ? Déception et colère. M.B doit donc prendre un nouveau rendez-vous au consulat pour déposer son dossier. Il lui aura fallu attendre 45 jours pour obtenir son premier rendez-vous, puis 15 jours pour obtenir de France les nouveaux documents exigés par le consulat, puis encore 45 jours pour obtenir le second rendez-vous.
«Humiliation», tel est le mot utilisé dans les témoignages des demandeurs de visas recueillis par la Cimade. Ces derniers dénoncent le mauvais accueil que leur accordent les consulats. Des pratiques qui découragent les gens à demander un visa.
En somme, obtenir un rendez-vous est synonyme de parcours de combattant, et nombreux sont ceux qui ont renoncé à tenter l’aventure. C’est ce qui explique la baisse des demandes de visas. En 2008, les ambassades et consulats de France ont traité
2.336.779 demandes de visas contre 2.508.052 en 2003, soit une diminution de 6,8%. En 2009, la diminution est encore plus marquée puisqu’on enregistre une baisse de 10,8% par rapport au premier semestre 2008.
Autre grief formulé par la Cimade : les délais d’instruction sont extrêmement variables. Certains consulats instruisent les demandes en quelques jours, d’autres en plusieurs mois. A titre d’exemples, la demande est traitée en 24 ou 48 heures à Tunis, en 3 jours à Hong Kong et à Macao, entre 1 jour et trois semaines à Montréal, en trois semaines maximum pour les visas de court séjour et en trois mois maximum pour les visas de long séjour à Toronto. La loi française prévoit un délai légal de deux mois mais le non respect de ces délais n’implique aucune sanction pour l’administration… Au-delà de cette échéance, la demande est considérée comme implicitement rejetée, déplorent les auteurs du rapport, puisque le demandeur de visa est la seule partie qui pâtit. En somme, soulignent les auteurs de l’étude, «en l’absence de cadre précis dans la réglementation française de la demande de visa et de son instruction, le demandeur est soumis aux aléas et aux disparités des pratiques consulaires». En d’autres termes, l’obtention du sésame d’entrée en France dépend tout simplement du bon-vouloir des consulats, chacun édicte sa propre «loi».
En outre, la Cimade critique l’absence de justification des décisions de refus et la difficulté pour les intéressés de contester le rejet. Les auteurs du rapport n’ont pas manqué à ce sujet d’indiquer que deux nouvelles dispositions entreront en vigueur le 5 avril 2011 pour plus de transparence. Il s’agit de motiver tous les refus de visa de court séjour et d’indiquer les voies et délais de recours. Cette mesure est une obligation introduite par le Code communautaire des visas, adopté le 29 juin 2009 par le Conseil de l’Union européenne.
En attendant cette réforme, les dysfonctionnements de la procédure de délivrance de visa par les consulats de France dans les six pays cibles de l’étude ne sont pas sans conséquences néfastes. Cette situation «encourage la fraude et la corruption et le développement de réseaux… qui rendent encore plus prohibitif le coût d’une demande de visa, déjà hautement dissuasif», selon le rapport de la Cimade. Et de poursuivre : «Il est de notoriété publique qu’il existe de la corruption dans un certain nombre de consulats français… Face au manque d’information et aux difficultés pour rencontrer un interlocuteur, les demandeurs de visa sont tentés d’acheter de faux documents, de payer un intermédiaire ou encore de faire appel à des personnes mieux placées pour obtenir des faveurs».
Il suffit de faire un petit tour aux abords du consulat de Casablanca pour se rendre compte de cette réalité. Des intermédiaires abordent les demandeurs au vu et au su de tous. «Tout s’achète : un renseignement, un formulaire, la liste des pièces à fournir, des justificatifs… voire même un visa». La corruption est devenue un véritable casse-tête pour la France. Une mission d’enquête a été même dépêchée au nom de la commission des Finances, bien avant la mission d’observation de la Cimade, plus précisément en 2007. «Pas un consulat que votre rapporteur spécial a visité depuis 2005 n’a été épargné par des cas de corruption d’agents, en relation avec la demande de visas», écrit Adrien Gouteyron, sénateur UM dans le rapport.
Le business des visas symboliques
L’activité visa représente pour l’Etat français une source de revenu et une manne financière importante. Jugez-en vous même : En 2008, 2 millions de demandeurs de visas ont versé environ 130 M€ aux consulats de France. Sur cette somme, près de 13 M€ ont été versés généreusement par les demandeurs puisqu’ils n’ont finalement pas obtenu leur visa. C’est la règle : que le demandeur obtient ou non son visa, il doit s’acquitter des frais d’instruction des dossiers. Le Maroc qui figure parmi les 15 pays où ont été délivrés le plus grand nombre de visas en 2008 est placé 2e (151.909 visas délivrés) après la Russie (341.393). La France fixe le coût des visas de long séjour à 99 €. Alors que les visas de court séjour Schengen coûtent 60 € ou 35 € dans le cadre des accords de facilitation. La France justifie ces frais par le fait que ces sommes payées par les postulants servent à couvrir les dépenses engagées par l’Etat pour instruire les demandes de visas. Or, dans son rapport de 2007, le sénateur Gouteyron affirme que les frais versés par les demandeurs seraient bien supérieurs au coût réel de l’instruction des dossiers.
Bonne nouvelle pour les demandeurs de visa Schengen, à partir de l’année prochaine, ils ne paieront les frais qu’après avoir obtenu leur visa.
Source : Le Soir échos