Un rapport de plus. Cette fois-ci, c'est à Éric Besson, ministre de l'Immigration, de l'Intégration, de l'Identité nationale et du Développement solidaire qu'il a été remis la semaine dernière. Intitulé « La promotion de la diversité dans les entreprises. Les meilleures expériences en France et à l’étranger. », ce document siglé du logo du Conseil d'analyse stratégique (à télécharger) viendra donc s'ajouter à la pile déjà haute des recueils d'expériences et listes de préconisations qui prennent la poussière sur les bureaux de plusieurs ministres.
À sa lecture, on n'y apprend en fait rien de nouveau. S'y retrouvent de nouveau proclamés leaders du mouvement de la « diversité » les incontournables Accor, l'Oréal, Casino, PSA, Veolia, Vinci, mais, une fois de plus, sans que ces satisfecit n'aient fait l'objet de confrontation avec le regard critique d'autres parties prenantes, associations ou représentants du personnel, par exemple. On est en réalité plus dans la transcription d'une communication d'entreprise que dans le retour d'expériences objectif, qu'on peut par ailleurs lire et relire dans de nombreux autres supports. Tous les deux ans, la Halde dresse déjà un inventaire des bonnes pratiques qu'elle relève dans les entreprises, et elle n'est pas la seule : le secrétariat de la Charte de la diversité, l'Agence pour la cohésion sociale et l'égalité, le regroupement de cabinets de recrutement « À compétences égales », la Commission européenne et bien d'autres acteurs opèrent déjà ce travail de veille.
Côté propositions, on est également peu surpris. La préconisation la plus commentée, celle visant à sanctionner les discriminations liées au lieu de résidence, fait déjà l'objet d'une étude par la Halde. Une autre recommandation concernant l'introduction d'un objectif de diversité dans la commande publique est, depuis plusieurs mois, en cours d'instruction à Bercy (cf. ce billet : Lutter contre les discriminations par la commande publique ?). Quant à l’obligation, « pour l’ensemble des entreprises cotées, de présenter actions qu’elles conduisent en faveur de la diversité et de la lutte contre les discriminations » dans leur bilan social, la formation des intermédiaires de l'emploi, la « prise en compte de la diversité dans les critères d’évaluation managériales », etc. elles sont déjà dans le débat public depuis un moment, et ont déjà été annoncées par le président de la République en décembre 2008.
Parmi tous les rapports d'experts déjà remis au gouvernement, en quoi celui-ci se distingue-t-il donc des autres ? Peut-être par son coût. Ce document a en effet été commandé au bureau d'étude Deloitte, peu connu pour brader ses prestations, et qui compte curieusement certaines des sociétés citées plus haut parmi ses clients. Quitte à dépenser de l'argent, un autre audit aurait été plus utile pour le débat public, celui sur les nombreux rapports sur les discriminations jamais suivis d'effet*.
* Citons sur la seule dernière année écoulée, les multiples recommandations de la Halde sur les Roms, le pacs, les conditions d'âge dans la fonction publique, les emplois fermés aux étrangers, mais aussi le rapport Sabeg sur la diversité et l'égalité des chances, le rapport Héran sur les discriminations et l'outil statistique, le rapport Grésy sur l'égalité professionnelle femmes-hommes, le rapport Lozès-Wieviorka sur la lutte contre le racisme).
Source : Libération