samedi 23 novembre 2024 01:36

Transferts des Marocains résidant à l’étranger

Est-on en train d'assister à la fin du temps des MRE pourvoyeurs de devises et grands investisseurs ? Cette question est sans aucun doute d'une grande importance, surtout dans l'actuel contexte marqué par le prolongement des effets de la crise économique internationale, se traduisant aussi bien par une crise de l'emploi pour les MRE que par des pressions sur les finances publiques, en manque de liquidités.

Posée comme débat lors d'une rencontre organisée hier à Casablanca par le Club Entreprendre, cette question a suscité un vif intérêt, surtout que sa formulation n'a pas manqué de choquer certains participants. Ainsi, Hassan El Basri, directeur général de la Banque des Marocains du monde au groupe Banques Populaires, a estimé que cette question ne devait même pas être posée, étant donné que la réalité a infirmé toutes les prévisions qui évoquaient le tarissement de la manne des transferts des MRE. De tels pronostics remontent à la fin des années 90, avancés par des institutions financières internationales, mais, paradoxalement, on a assisté par la suite à une montée en puissance de ces flux. Ce qu'a confirmé le ministre délégué auprès du 1er ministre chargé de la communauté MRE, Mohamed Ameur qui a rappelé qu'en une décennie, les fonds transférés par les MRE ont doublé.

Mais qu'en est-il de leur destination ? D'après les études qui ont été réalisées à ce sujet, plus de 75% de ces fonds sont destinés au soutien familial et une petite part seulement du reste est dédiée à l'investissement, en particulier dans le domaine immobilier. Cette préférence des MRE à «investir dans la pierre» est toutefois en train de perdre du terrain, selon le ministre qui évoque trois raisons pour cette tendance. Ainsi, précise-t-il, le boom immobilier des dernières décennies est révolu, les MRE sont en train d'adopter de nouveaux comportements à ce sujet et la crise a impacté négativement les investissements des MRE. Même ceux qui continuent à préférer l'investissement dans l'immobilier optent de plus en plus pour d'autres créneaux tels l'immobilier balnéaire et réglementé.

Mais au-delà de tous ces détails, une chose est sûre, selon Driss El Yazami, président du Conseil de la communauté marocaine à l'étranger (CCME). Sur le long terme, le système est pérennisé, insiste-t-il, ce qui revient à dire que les fonds transférés par les MRE continueront à affluer, vu que les flux des migrants reprendront. Surtout que les structures d'accueil sont bien en place (secteur bancaire très actif) et que le circuit informel (30% à 40% selon la Banque Mondiale) continuera à défier toutes les restrictions. S'agissant de la volatilité de ces transferts, M. El Yazami a fait savoir que celle-ci est trois fois moins importante que la volatilité des IDE et que l'économie elle-même est volatile.

A ce sujet, il a relevé une corrélation entre les deux, puisque, explique-t-il, quand l'activité économique décroît, les MRE transfèrent moins de fonds, adoptant un comportement rationnel.

Toutefois, il est à noter que les opérations de transfert des fonds par les MRE impliquent plusieurs acteurs (MRE, leurs familles, banques, circuit informel, banques étrangères et les institutions financières internationales…) et que l'Etat n'a que peu de maîtrise sur deux d'entre eux, en l'occurrence les banques et les migrants, pour canaliser ces fonds.

A ce sujet et face à la focalisation du débat sur l'investissement, H. El Basri a insisté sur l'intérêt du soutien familial qui est, selon lui, tout aussi important que l'investissement du fait qu'il contribue à la lutte contre la pauvreté.
Surtout que, comme l'a relevé le ministre, la plupart des MRE sont issus des régions pauvres et du monde rural. D'ailleurs, explique-t-il, cette solidarité des MRE n'est pas seulement destinée à leurs familles mais également à leurs communautés, comme l'illustrent les projets de développement local qui sont initiés par les MRE dans des régions, en particulier dans le Sud. Cependant, nuance-t-il, cela ne dispense pas les intervenants dans ce domaine de concevoir et à mettre en place des dispositifs et des mécanismes pour orienter les 25% restants vers l'investissement dans des secteurs productifs porteurs, surtout que le Maroc dispose désormais d'une multitude d'opportunités offertes notamment par les nouveaux programmes sectoriels mis en place (offshoring, agriculture, tourisme…).

Améliorer la bancarisation

Driss El Yazami, président du CCME, a estimé que pour faire des transferts des MRE destinés au soutien familial davantage un moteur de croissance, il faudra améliorer la bancarisation des familles récipiendaires de ces fonds, en leur proposant de nouveaux produits et services pour leur permettre de fructifier ces flux. Il a également appelé à penser à accroître la contribution globale des MRE à l'économie marocaine, en élaborant une politique des MRE. A ce sujet, le ministre a estimé qu'il faudra lancer une étude pour évaluer cette contribution. S'agissant de l'amélioration de la bancarisation de ces familles, M. El Basri a évoqué la solution Low income banking, qui est un concept de banque pour personnes à faibles revenus ou à rentrées d'argent irrégulières, lancé au Maroc par La Banque centrale populaire et Attijariwafa bank.

Il a également fait savoir que de plus en plus des MRE commencent à investir dans d'autres secteurs : les OPCVM, la bancassurance, les nouvelles technologies…

Source : Le Matin

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