Avec un taux de mobilité internationale de 15%, soit 50.000 étudiants, les Marocains sont parmi les premières nationalités à investir dans les études à l’étranger contre moins de 5% pour l’Algérie et la Tunisie. Les étudiants marocains sont de plus en plus nombreux à opter pour les écoles internationales. Certes, le phénomène prend de l’ampleur, toutefois, l’intention de partir à l’étranger ne se traduit pas toujours sur le terrain par une concrétisation. C’est ce qui ressort des premiers résultats d’une enquête sur la mobilité éstudiantine marocaine vers l’international intitulée «e-memi», publiés dans le dernier numéro des cahiers du HCP (Haut commissariat au plan) pour la période juillet-août 2010. Lancée en mars 2009 par une équipe de jeunes chercheurs marocains et français au sein de l’université Cadi Ayyad de Marrakech, première université du Maroc en termes d’effectifs d’étudiants et de formations offertes, l’étude a pour objectif de déterminer les facteurs sociaux qui stimulent cette dynamique et de définir les raisons qui incitent les Marocains à vouloir étudier à l’étranger et même y réaliser leur parcours professionnel, sachant les difficultés d’insertion dans l’emploi dans un marché de travail devenu fortement concurrentiel. L’enquête vise donc à comprendre le processus de formation du projet d’études à l’étranger. Plusieurs facteurs sont ainsi examinés dont les caractéristiques socio-économiques de l’étudiant, le parcours scolaire ( primaire, secondaire et supérieur) de l’enquêté, les démarches entreprises en vue de l’inscription dans un établissement supérieur à l’étranger.
Un étudiant assidu à la bibliothèque a 3 fois plus de chance de poursuivre ses études à l’étranger.
L’un des points saillants de l’enquête : la mobilité comme la migration est un phénomène sélectif. Si 65% des étudiants enquêtés déclarent une intention de poursuivre des études à l’étranger, seul un tiers d’entre eux a effectué des démarches concrètes pour y parvenir et encore une proportion moindre partira effectivement à l’étranger. Sexe, fréquentation de la bibliothèque, aide financière des parents…autant de facteurs sélectifs. Un étudiant assidu à la bibliothèque et donc travailleur a 3 fois plus de chances d’avoir cette intention en comparaison avec un étudiant qui ne se rend jamais à la bibliothèque. Cette sélectivité se traduit, également, dans l’effet des facultés.
En d’autres termes, expliquent les auteurs de l’enquête, les étudiants des établissements à accès ouvert (recrutement sans sélection) ont plus de chances d’être partants pour une aventure à l’étranger, comparés aux autres étudiants des établissements sélectifs (recrutement effectué sur dossier et suppose une mention au baccalauréat). Les étudiants de la FMP (Faculté de médecine et de la pharmacie), l’ENCG (Ecole nationale de commerce et de gestion) et l’ENSA (Ecole nationale des sciences appliquées) à accès restreint, affichent clairement qu’ils n’ont pas l’intention de migrer vers l’étranger. Cependant, même cette sélectivité n’est pas la même pour tous au sein même d’un établissement. Elle diffère en fonction du degré de la satisfaction des étudiants du même établissement. Illustration : bien qu’issus d’un établissement à accès restreint, près de 74% des étudiants de la Faculté de sciences et techniques (FST) expriment leur insatisfaction vis-à-vis de leur filière particulièrement en matière de débouchés professionnels et de qualité de formation. 63% des sondés affirment que leurs études actuelles ne correspondent pas à leur souhait lors de la première inscription au supérieur. Conséquence : les étudiants de la FST comme ceux de la FSS (Faculté des sciences Semlalia) et de la FSJES (Faculté des sciences juridiques, économiques et sociales), insatisfaits de leurs études, considèrent que leurs formations actuellement ne leur permettent pas d’avoir de meilleurs débouchés professionnels et affichent donc leur volonté d’émigrer.
Autre point saillant de l’enquête : les conditions socio-économiques des enquêtés affectent le choix d’étudier à l’étranger. Les étudiants de la FST ont effectué plusieurs demandes d’inscription au moment de l’obtention du bac, contrairement aux étudiants de la FLSH (Faculté des lettres et sciences humaines), qui n’ont pas fait de démarches spécifiques. Les premiers sont généralement issus de familles appartenant aux catégories sociales de statut élevé. Le père et la mère sont soit cadres supérieurs soit travaillant dans les professions libérales. Le niveau d’éducation des parents est également plus élevé, de même que le revenu pour le ménage familial allant de 6.000 à 20.000 DH. Or, les étudiants de la FLSH se distinguent par des caractéristiques socio-économiques beaucoup moins favorables (revenu de ménage des parents faible allant de moins de 4 00 à moins de 1.600 DH, aucun niveau d’éducation pour la mère).
Source : Le Soir
23 juillet 2010