samedi 23 novembre 2024 02:30

Au Japon, des stagiaires étrangers exploités par des firmes abusives

Li Qingzhi, un Chinois de 34 ans, voulait apprendre à cuisiner au Japon. Il a finalement ratissé des mauvaises herbes 70 heures par semaine pour un salaire de misère, un cas emblématique des abus subis par les stagiaires étrangers dans l'archipel, dénoncés par des avocats.

M. Li était l'un des quelque 190.000 jeunes immigrés, notamment chinois, indonésiens et philippins, venus travailler dans l'archipel dans le cadre de stages supervisés par l'Organisation japonaise de coopération pour la formation internationale (Jitco), un organisme public.

Envoyé dans une entreprise de la banlieue de Tokyo fabriquant des portes coulissantes pour maisons traditionnelles, il a nettoyé des forêts de bambous pendant plus de deux ans, payé à peu près le salaire minimum. Mais son employeur ne lui payait pas ses 150 heures supplémentaires mensuelles et M. Li s'est fait renvoyer lorsqu'il a demandé son dû.
"Je ne peux retourner en Chine sans avoir reçu l'argent que je mérite", explique l'ancien stagiaire, dont l'épouse et les deux enfants sont restés dans la province de Shandong (est de la Chine). Il a attaqué son ancien patron en justice et attend le jugement.
Son cas est symptomatique des excès en série recensés par l'Association des avocats pour les stagiaires du Japon, créée en 2008 pour répondre aux plaintes des jeunes exploités, dont 25 sont en cours d'instruction.

"Il y a un énorme écart entre la finalité du système et la réalité", estime Lila Abiko, secrétaire générale de l'association.
La Jitco "affirme que son objectif est de transférer des compétences aux gens des pays en voie de développement", explique l'avocate. "Mais en pratique, cela permet surtout d'exploiter des travailleurs non qualifiés."

Son association a recensé des cas où l'employeur d'un stagiaire lui confisquait son passeport, refusait de l'indemniser après un accident du travail ou lui "gardait" une partie de son salaire sur un compte bloqué.

Dans la préfecture de Gifu (centre), trois jeunes Chinois ont dû travailler plus de 100 heures supplémentaires mensuelles pendant des mois dans une usine de confection, payées 300 yens de l'heure (moins de 3 euros), avec une seule journée de repos par mois.

Ce genre de situation a déjà provoqué des drames, comme la mort par crise cardiaque d'un ouvrier chinois de 31 ans, stagiaire dans une usine métallurgique du nord de Tokyo. Il lui était arrivé de travailler jusqu'à 350 heures par mois, selon la carte de pointage retrouvée dans ses affaires.

Son décès vient d'être reconnu comme une conséquence du surmenage par l'administration du travail nippone, une première qui devrait faciliter la procédure judiciaire de sa famille.

Mais il ne s'agit pas d'une affaire isolée: la Jitco a reconnu la mort de 34 stagiaires entre avril 2008 et mars 2009, dont 16 à la suite d'accidents cardio-vasculaires et cinq d'accidents du travail. La mortalité de ces jeunes d'une vingtaine ou trentaine d'années est deux fois supérieure à celle des Japonais du même âge, accréditant l'idée d'une surexploitation de cette main d'œuvre.
Me Abiko souligne que nombre de ces stagiaires sont envoyés dans l'archipel via des intermédiaires peu scrupuleux, qui leur font miroiter monts et merveilles et demandent d'importantes sommes d'argent pour organiser les formalités du départ.

"Il s'agit d'une forme de trafic d'êtres humains", juge l'avocate.

Sous pression, la Jitco se dit consciente du problème et a promis de mettre un terme aux situations les plus scandaleuses.

Source : Le Parisien/AFP

25.07.2010

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