La capitale belge vibre depuis juin au rythme de la culture africaine, avec le festival «L’Afrique visionnaire». Impulsée dans l’intention de célébrer les 50 ans d’indépendance de plusieurs pays africains dont le Congo, cette manifestation culturelle propose une programmation riche et dense, mêlant expositions, concerts, spectacles et conférences. Entre instants festifs et espaces de réflexions, «L’Afrique visionnaire» célèbre mais aussi interroge l’espace artistique du continent africain.
Dans le cadre de cet événement, l’exposition «Geo-Graphics», installée au Palais des beaux-arts de Bruxelles, fait dialoguer l’art traditionnel africain, au travers de plus de 200 objets ethnographiques, avec des oeuvres africaines contemporaines. Les artistes exposés ont été sélectionnés par des centres culturels du continent africain, dont «L’Appartement 22» au Maroc. Abdellah Karroum, fondateur de cet espace d’art contemporain à Rabat, nous explicite sa participation : «Contacté pour l’exposition, ma première réponse était qu’il faudrait faire des projets sur le continent africain plutôt que sur le continent européen. Alors j’ai accepté à la condition de faire le projet ici au Maroc. Le projet de l’Appartement 22 est donc à moitié dans le Rif et à moitié dans le Bozar à Bruxelles». Au coeur des montagnes du Rif, un studio nomade a été mis en place pour partir à la rencontre des habitants et leur donner la parole. «Nous les interrogeons sur le quotidien mais aussi sur l’Histoire, notamment sur leur relation avec le passé colonial. La mémoire collective est très lourde, elle n’est pas encore connue, c’est une histoire qui n’est pas encore historicisée», nous explique Abdellah Karroum.
Une fois enregistrées, les voix du Rif marocain s’acheminent vers la métropole belge, reflétant les rencontres, dialogues et découvertes du studio nomade. «Tout le contenu monté dans le Rif est envoyé au musée à Bruxelles. Cela crée un passage entre l’Europe et l’Afrique du Nord. Le public voit ce qui se produit sur le continent africain», nous déclare le directeur de l’Appartement 22.
En parallèle des productions du studio nomade, les oeuvres des talentueux jeunes artistes Antoni Montadas, Naoko Taka Hashi et Younes Baba-Ali sont exposées à Bruxelles, interrogeant le spectateur sur la peur, la rencontre avec l’autre et l’exploration de la dualité des territoires. L’ensemble de ce projet artistique intitulé «R22-Bruxel o’Ndra» constitue une véritable mise en abyme de ces deux espaces. En portant les mots du Rif sur le continent européen, l’Appartement 22 contribue à sortir d’une trame générique sur l’histoire des indépendances, pour projeter non pas une mais des visions d’Afrique.
Source : Le Soir
10 août 2010