mercredi 3 juillet 2024 14:30

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Déchéance de nationalité : un projet en peau de chagrin

Eric Besson l'a redit, mardi 17 août au micro de RTL : la déchéance de la nationalité devrait rester une procédure "exceptionnelle". La polémique de l'été pourrait donc déboucher sur une loi bien minime.

La mesure la plus spectaculaire et la plus polémique annoncée par Nicolas Sarkozy lors de son discours de Grenoble, le 30 juillet dernier, est sans conteste la possibilité de déchoir de la nationalité "toute personne d'origine étrangère" coupable d'agression sur un policier ou un gendarme. Lancée pour provoquer, cette annonce n'a pas manqué de susciter des réactions : directement reprise du programme du Front national, elle remettrait en vigueur, si elle était appliquée, une pratique quasiment disparue depuis le régime de Vichy, et limitée depuis à quelques cas précis de terrorisme.

Dans le camp sarkozyste, au contraire, on cherche à amplifier l'offensive sécuritaire, et à durcir encore la proposition. Brice Hortefeux propose ainsi, le lendemain du discours du chef de l'Etat, d'étendre cette déchéance à d'autres crimes et délits : excision, traite d'êtres humains, mais aussi polygamie.

En charge de l'immigration et de l'identité nationale Eric Besson a hérité de la tâche de rendre concrètes ces propositions, sous forme d'amendements au projet de loi sur l'immigration qui sera débattu fin septembre à l'Assemblée. Un travail complexe : la majorité des spécialistes en droit constitutionnel jugent sinon impossible, du moins très ardu, de mettre en place une telle possibilité : la constitution garantit l'égalité entre les Français sans distinction. Créer une peine qui ne concernerait que ceux de nos concitoyens qui ont acquis leur nationalité de leur vivant aurait de très grandes chances de s'avérer inconstitutionnel, expliquent de nombreux juristes.

Si la majorité continue de défendre bec et ongles la proposition originelle, elle tente également de nuancer le propos. Le secrétaire général de l'Elysée, Claude Guéant, précisera ainsi au Monde, le 6 août : "Certains ont fait semblant de comprendre qu’on allait créer des apatrides. Non ! Il n’est pas question non plus de retirer sa nationalité à quelqu’un de naturalisé depuis vingt ans." La France est signataire d'une convention internationale qui proscrit la création d'apatrides, mais ne l'a pas ratifiée.

A l'UMP, on joue les  optimistes. Comme d'autres, Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, a de nouveau martelé, mardi 17 août, que cette mesure était possible car elle "existe dans notre droit". Ce qui est le cas : l'article 25 du code civil définit les possibilités de déchéance. Au point que le président du Sénat, Gérard Larcher, peu enthousiaste, a estimé qu'une nouvelle loi n'était sans doute pas nécessaire.

En fait, tout dépend du champ d'application. La majorité comptait au départ étendre les possibilités prévues par l'article 25 : "La polygamie, si ce n'est pas un signe de non-intégration, qu'est-ce que c'est ?", lançait ainsi Claude Guéant. Mais Eric Besson semble l'entendre différemment. "Sur un plan juridique, la déchéance est complexe à envisager, notamment pour la polygamie", estime-t-il dans une interview au Figaro, le 8 août.

UN TOLLÉ INTERNATIONAL

Entre-temps, le tollé suscité par l'annonce n'est pas retombé. De la gauche aux associations et à une partie de la droite, à l'instar d'Alain Juppé, les critiques fusent. "On avait pas vu cela depuis Vichy. On avait pas vu cela depuis les nazis", lance ainsi Michel Rocard le 6 août. Même le comité pour l'élimination de la discrimination raciale (CERD) de l'ONU a fait part de ses inquiétudes, provoquant la colère de l'UMP. "L'ONU se trompe", a ainsi estimé Dominique Paillé, porte-parole du parti présidentiel. Mais les critiques continuent. De l'Allemagne aux Etats-Unis en passant par la Grande-Bretagne, la presse étrangère est très critique face au virage sécuritaire du chef de l'Etat.

Au-delà des postures, le réalisme juridique semble désormais prévaloir au sein du gouvernement. Mardi 17 août, Eric Besson a une nouvelle fois nuancé la portée de cette proposition. La déchéance de la nationalité doit désormais "rester absolument une procédure exceptionnelle". Et le ministre de préciser : "Ça ne peut porter que sur des cas d'acquisition par le mariage".

Au final, si elle est votée, la loi sera donc destinée à régler le cas de Français qui ont acquis la nationalité par mariage qui auraient tué ou blessé un policier, un gendarme ou un autre dépositaire de l'autorité publique, et qui possèdent également une autre nationalité. Une situation qui ne devrait concerner que de rares personnes.

Source ! Le Monde

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