Confrontant des CV similaires postés de trois communes franciliennes, cinq chercheurs du Centre d'études de l'emploi ont mis en évidence l'influence du lieu de résidence, du sexe et de l'origine sur l'obtention d'un emploi. Il ressort que la discrimination affecte avant tout les femmes d'origine marocaine résidant dans des communes réputées défavorisées.
Habiter dans une banlieue réputée défavorisée peut réduire les chances d'être embauché. Ce n'est pas une surprise, mais, jusqu'à présent, peu d'études l'avaient démontré. Cinq chercheurs du Centre d'études de l'emploi (CEE) ont comblé cette lacune. Les résultats de leur travail confirment le rapport négatif entre banlieue défavorisée et obtention d'un emploi. Au final, pour des profils en tous points similaires, l'écart entre le plus faible et le plus fort taux de réponse peut atteindre presque 10 points.
Mais les chercheurs du CEE apportent toutefois quelques nuances, grâce à une grille d'analyse qu'ils ont voulue très serrée. Ils ont utilisé la méthode du testing, consistant à créer des profils fictifs de demandeurs d'emploi. Dans ce cas précis, de jeunes diplômés à bac + 5, qui postulent à des postes de développeur informatique. Trois communes du Val-d'Oise ont été retenues : une ville réputée aisée, Enghien-les-Bains, une ville plutôt défavorisée et présentée de façon négative dans les médias, Villiers-le-Bel (où des émeutes ont eu lieu en 2007), et une ville réputée défavorisée mais pas médiatisée comme telle, Sarcelles. Ces trois collectivités à équidistance du centre de Paris.
Douze profils fictifs créés
En plus de l'influence du lieu de résidence sur la propension à être embauché, les chercheurs ont voulu ajouter le facteur de l'origine et du sexe. Douze profils fictifs ont ainsi été créés : quatre par ville, deux hommes et deux femmes, un homme et une jeune femme ayant des noms à consonance marocaine, les deux autres des noms à consonance française. Les candidats avaient des CV très similaires en termes d'études et d'expériences professionnelles.
Enghien plus que Sarcelles
De ces douze profils, il ressort que la discrimination territoriale affecte avant tout les femmes d'origine marocaine résidant dans des communes réputées défavorisées : le taux de réponse à leurs candidatures et de 13,7 % à Sarcelles, à peine 15 % à Villiers-le-Bel. Alors que pour une jeune femme d'origine marocaine résidant à Enghien, les chances montent à 19,5 %. A l'inverse, être d'origine marocaine et vivre dans une commune défavorisée n'est pas systématiquement discriminant pour les jeunes hommes. Le taux de réponse positive pour ceux résidant à Sarcelles est légèrement supérieur (19,2 %) à celui des jeunes d'origine marocaine résidant à Enghien (18,6 %).
Les mieux placées sont les jeunes femmes d'origine française résidant à Enghien, avec un taux de réponse à leurs candidatures de 22,5 %. Si, par contre, elles résident à Villiers-le-Bel, leurs chances se réduisent à 17,9 %. En revanche, l'étude est loin de constater des discriminations de genre : les femmes d'origine française résidant à Sarcelles ou Enghien ont ainsi un taux de réponse supérieur aux hommes.
24/08/10
Source : Les Echos.fr