La Défenseuse du Peuple espagnol par intérim (Ombudsman) Maria Luisa Cava de Llano, a annoncé avoir déposé le 13 août un recours auprès du Tribunal Constitutionnel contre la loi catalane dite d'Accueil et d'Intégration des immigrés suscitant une levée de boucliers au sein de la classe politique catalane.
Approuvée en avril dernier par environ 90 pc des voix des députés de Catalogne, cette loi fait notamment obligation aux immigrés désireux de s'installer dans cette riche région du nord-est de l'Espagne d'apprendre et de parler le catalan.
Pour Mme Cava de Llano, cette disposition serait contraire à la Constitution espagnole qui stipule dans son article 3 que le castillan est la langue officielle de l'Etat espagnol.
Immédiatement après l'annonce de cette décision, rapportée d'abord par la presse locale avant d'être confirmée par l'institution du Défenseur du peuple, l'ensemble des partis catalans, à l'exception des représentants du Parti Populaire catalan (PPC) et du Groupe mixte, sont montés au créneau pour dénoncer cette initiative allant même jusqu'à accuser Mme Cava de Llano de connivence avec le Parti populaire (PP, opposition), qui a été à l'origine d'un recours pour inconstitutionnalité déposé précédemment auprès de la même juridiction contre le Statut d'autonomie catalan élargi, adopté en 2006.
Dans son jugement, rendu le 27 juin dernier, la cour considère que 14 parmi les 223 articles de ce Statut étaient partiellement ou totalement contraires à la Constitution espagnole. Le président socialiste du gouvernement autonome de Catalogne José Montilla ne rate aucune occasion pour clamer haut et fort que la loi d'Accueil et d'Intégration des immigrés sera belle et bien appliquée en dépit de ce recours.
Aux yeux de M. Montilla, leader du Parti Socialiste de Catalogne (PSC) qui dirige une coalition gouvernementale tripartite, le recours introduit contre la loi catalane "n'a aucun sens" dans la mesure ou Mme Cava de Llano "qui occupe ce poste à titre provisoire ne dispose pas de la légitimité requise pour entreprendre une telle initiative". "Elle devrait démissionner", a-t-il déclaré à la presse, rappelant qu'elle a été députée du PP, "ce qui, d'après lui, démontre encore une fois l'hostilité absolue de ce parti envers l'autogouvernement de Catalogne".
Le recours d'une loi nécessite l'aval de 50 députés et d'autant de sénateurs, selon le responsable catalan. "Ce recours est motivé par des considérations partisanes, en ligne avec la politique défendue par le PP, contraire à ce tout est de nature à promouvoir le statut d'autonomie", a accusé le chef de l'exécutif catalan qui a estimé que si les immigrés commencent par apprendre le catalan, ils pourraient par la suite apprendre facilement la langue espagnole. Mais s'ils apprennent l'espagnol, ils ne vont jamais apprendre le catalan, a-t-il dit dans un entretien publié dimanche par la Razon.
Même son de cloche chez les autres membres de la coalition gouvernementale catalane. "Nous allons appliquer cette législation, abstraction faite de la décision qui sera prise par le Tribunal constitutionnel", a pour sa part renchéri le secrétaire catalan chargé de l'Immigration, Oriol Amoros.
"Nous n'avons en aucun cas l'intention de modifier cette loi, dont la mise en œuvre s'avère nécessaire et urgente pour la Catalogne", a souligné M. Amoros, membre du parti ERC.
D'après lui, les immigrés qui ont afflué en Catalogne ces dernières années sans aucune formation sont ceux qui souffrent le plus de la crise économique.
Abondant dans le même sens, le parti nationaliste catalan Convergence et Union (CiU, opposition), a qualifié le recours introduit par la Défenseuse du peuple d'"agression envers l'autogouvernement de Catalogne". Il s'agit d'"un manque de respect à l'égard de l'autonomie du parlement catalan" et d'une "régression démocratique", a de son coté estimé Josep Lluis Cleries, député CiU à la chambre catalane.
"Le rejet de la loi d'Accueil et d'Intégration suppose la fin d'une étape dans les relations entre la Catalogne et l'Espagne", a prévenu de son coté le secrétaire général adjoint de CiU, Felip Puig dans un entretien à TV3.
Pour le moment, la Défenseuse du peuple espagnole réfute toutes les accusations des partis catalans, affirmant qu'elle ira jusqu'au bout dans sa démarche.
"Pour nous, cette loi établit une préférence linguistique pour le catalan au détriment du castillan, en matière de formation, d'information et de prestation de services pour l'accueil des immigrés (...), ce qui est contraire à l'article 3 de la Constitution de l'Espagne". La haute juridiction a avalisé l'article stipulant que les Catalans doivent connaître la langue catalane, co-officielle dans la région, mais jugé inconstitutionnelle la référence qui la définit comme langue "préférentielle" au castillan, a-t-elle insisté.
De leur coté, les associations des immigrés sont divisées sur ce sujet. "On ne peut exiger aux immigrés des choses plus que le reste des citoyens", a déclaré Kamal Rahmouni, président de l'Association des travailleurs immigrés marocains en Espagne (ATIME), qualifiant de "respectable" la décision de la Défenseuse du peuple.
Il a toutefois estimé que les immigrés doivent connaître les deux langues l'espagnol et le catalan s'ils vivent en Catalogne. "C'est un moyen d'intégration, mais ça ne doit pas être une condition pour accéder à un poste de travail", a insisté le président d'ATIME.
De son coté, le président de la Fédération des Associations des Immigrés et réfugiés en Espagne (FERINE), Victor Saez a exprimé son soutien à l'initiative de Mme Cava de Llano, qualifiant cette loi de "négative pour l'intégration des étrangers".
En revanche, les associations des travailleurs pakistanais et sénégalais en Catalogne ont exprimé leur soutien à la loi catalane, tout en dénonçant le recours introduit contre cette législation.
Elles ont annoncé qu'elles envisagent d'entreprendre prochainement une série d'actions pour manifester leur appui à la loi votée par le Parlement catalan et protester contre l'initiative de la Défenseuse du peuple.
Source : Casafree/MAP