Un gouvernement soudé et droit dans ses bottes malgré les critiques. C'est le message qu'ont voulu faire passer Brice Hortefeux et Eric Besson en annonçant de concert lors d'une conférence de presse, lundi, la poursuite des opérations d'évacuation des Roms. Depuis le 28 juillet et le discours de Grenoble de Nicolas Sarkozy, «128 campements illicites occupés par des ressortissants roumains ou bulgares ont été démantelés et évacués», indique le ministre de l'Intérieur. Parallèlement, «977 Roms présents sur notre territoire ont été raccompagnés vers leur pays d'origine, essentiellement la Roumanie», a ajouté Brice Hortefeux. Plus de 8.200 Roumains et Bulgares ont été reconduits dans leur pays depuis le début de l'année, précise Eric Besson. En 2009, quelque 11.000 Roms avaient été expulsés. «C'est l'accélération d'un processus récurrent», assure-t-il au Talk Orange-Le Figaro.
Le ministre de l'Intérieur a pour mission de démanteler en trois mois la moitié des campements illégaux en France, soit environ 300. Pas question pour Brice Hortefeux de relâcher la pression. «Ces opérations vont se poursuivre car elles sont légitimes et nécessaires», assure le ministre. Principal argument mis en avant par le gouvernement pour justifier l'expulsion des Roms : «protéger les Français de l'insécurité». Brice Hortefeux affirme que les actes de délinquance perpétrés par des Roumains, à Paris, ont augmenté de 259% en 18 mois. «Aujourd'hui, à Paris, la réalité est que près d'un auteur de vol sur cinq est un Roumain», assure le ministre de l'Intérieur, et «un vol commis par un mineur sur quatre l'est par un mineur roumain».
«Une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale»
Eric Besson a d'ailleurs annoncé lundi un projet d'amendement à la loi sur la sécurité intérieure, dite Lopssi, pour étendre les possibilités d'expulsion en cas de «menace à l'ordre public à l'occasion d'actes répétés de vols ou de mendicité agressive». Le ministre de l'Immigration soumettra aussi deux autres propositions dans le cadre du projet de loi qui sera examinée le 27 septembre à l'Assemblée nationale. La première permettra de «sanctionner ceux qui abusent du droit au court séjour (trois mois maximum, ndlr) afin de contourner les règles plus strictes du long séjour»: avoir un emploi, suivre des études ou justifier de ressources suffisantes. Le deuxième amendement permettra «la reconduite dans leurs pays d'origine des personnes qui représentent une charge déraisonnable pour notre système d'assistance sociale», détaille-t-il. «Les ressortissants européens ne jouissent pas d'une liberté de séjour sans limite au sein de l'Union européenne», justifie Eric Besson.
Comme l'a fait François Fillon lundi matin, Brice Hortefeux et Eric Besson tiennent à se départir de toute «stigmatisation». «Il ne s'agit en aucun cas de stigmatiser telle ou telle population, mais il ne s'agit pas non plus de fermer les yeux sur une réalité», explique Brice Hortefeux. «Accueillir ne veut pas dire défaillir, reprend le ministre. Ceux que nous accueillons doivent se conformer à nos lois». Et d'insister sur le fait qu'une installation dans un camp illicite constitue un délit au regard de la loi de mars 2003. Brice Hortefeux déplore aussi l'insalubrité de certains camps, où se développent selon lui des cas de saturnisme et de tuberculose. «Pouvons-nous accepter que des enfants grandissent dans de telles conditions ? », s'interroge le ministre de l'Intérieur. «Nous devons faire en sorte qu'ils vivent dans la légalité et la dignité. La France n'est pas un terrain vague.»
«L'hypocrisie» de Martine Aubry
Le ministre de l'Intérieur Brice Hortefeux a annoncé qu'il recevrait mardi le président de la conférence épiscopale, le cardinal André Vingt-Trois, après les critiques émises par l'Eglise catholique contre la politique française à l'égard des Roms. «Les déclarations qui ont été faites par la plupart des responsables de la hiérarchie catholique disent, à juste titre, la même chose», explique-t-il. «Ils parlent de notre devoir d'accueil et du respect des autres».
Brice Hortefeux a aussi profité de la conférence de presse pour répondre aux accusations proférées ce week-end à La Rochelle par Martine Aubry, qui soulignait encore lundi qu'évacuer un terrain n'était pas la même chose qu'expulser par «charters entiers». Le ministre de l'Intérieur s'est étonné «de l'hypocrisie de certains responsables publics qui s'émeuvent au mois d'août de ce qu'ils ont eux-mêmes demandé en juillet». Et de rappeler que la communauté urbaine de Lille, présidée par la secrétaire nationale du PS, avait demandé «d'évacuer un campement de Roms à Villeneuve-d'Ascq». Une procédure qui «aurait pu être arrêtée à tout moment si elle l'avait souhaité. Or, il n'en a rien été», affirme Brice Hortefeux.
En tenant une conférence de presse commune, les deux ministres ont aussi cherché à afficher une unité gouvernementale mise à mal par l'offensive sécuritaire. «Nous travaillons main dans la main avec Eric Besson. Une cellule de coordination interministérielle se réunit une fois par semaine depuis fin juillet», précise Brice Hortefeux. Mais malgré une solidarité de façade, les deux collègues n'ont toujours pas trouvé d'accord sur la question de la déchéance de nationalité, l'autre grand volet de la politique sécuritaire du gouvernement. Alors que le ministre de l'Immigration, tout comme le premier ministre, veut limiter la sanction de déchéance aux «crimes graves», Brice Hortefeux veut l'étendre aux personnes coupables de polygamie. La question devrait être tranchée cette semaine par Nicolas Sarkozy lors d'une réunion d'arbitrage à l'Elysée, en présence des deux ministres.
Source : Le Figaro